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Rencontre avec Amanda Sthers qui publie Les promesses : « Un livre sur la cristallisation amoureuse»

Publié le  Par Un Contributeur

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J-F. Paga (Grasset)

Il y a des livres qui se détachent à chaque rentrée. Ils sont dans l’air du temps avec ce quelque chose en plus qui vient vous toucher au cœur. C’est le cas des Promesses d’Amanda Sthers.

Un roman captivant et émouvant. La jeune romancière a su happer le yin et le yang de nos désirs concrétisés ou pas. C’est la force de ce livre qui nous parle de la vie telle qu’elle nous est offerte, et qui, au fil du temps se complique singulièrement. Sur le chemin de l’amour si bien emprunté par Amanda, ombre et lumière s’y côtoient.

Avec toute la finesse et la sensibilité qui la caractérise, Amanda s’est mise dans la peau d’un homme béni des Dieux. Mais sur son parcours, Sandro découvre la mort, celle de son père, les amis et leurs humeurs et puis l’amour sous toutes ses formes. Avec brio, Amanda dépeint cet homme plein d’allégresse sur le voilier des conquêtes. Il y a la femme que l’on épouse et avec laquelle on fait deux beaux enfants. Mais cela ne suffit pas à rassasier le prédateur succombant sous le charme d’une belle inconnue à travers laquelle il n’aura cesse de rechercher l’amour idéal.

Les sentiments contradictoires, enfouis au plus profond de l’âme, sont merveilleusement décrits par Amanda. Avec Les promesses, Amanda Sthers nous enroule délicatement dans ses cheveux d’or comme une araignée dans sa toile. Interview.
 

Dans Les promesses, on sent qu’il y a intrinsèquement beaucoup de votre âme.

C’est mon livre le moins autobiographique, mais sûrement le plus sincère. Sans doute parce que je passe dans la seconde partie de ma vie, celle où les chemins qu’on choisit sont sans doute les derniers que l’on prendra. La quarantaine, c’est un âge suffisant pour pouvoir se retourner sur sa vie. On est un personnage qui tient debout… mais qui tient aussi debout par ses empêchements, son incapacité à faire des choses. C’est aussi une seconde partie de la vie où l’on se dit : là, il ne faut pas se tromper. Bien évidemment, on va se tromper à nouveau. Ce livre, c’est aussi se dire que les choses qui n’arrivent pas, est-ce qu’au final, elles ne sont pas plus importantes que celles que l’on a vécues car elles vivent en nous de façon imaginaire et donc toujours plus forte que la réalité.
 

Et dans ce livre, précisément, les sentiments amoureux sont parfaitement déclinés.

C’est un livre, en fait, sur la cristallisation amoureuse. On a tous ça en nous. C’est notre porte de sortie. Il y a des actes qui nous sont refusés mais de façon très différente pour un tas de raison. Si l’histoire d’amour avec Laure avait été concrétisée, Sandro aurait déplacé la cristallisation amoureuse ailleurs. Elle est le symbole de l’amour. Et quand Laure meurt, Sandro a arrêté de se projeter une histoire possible. Tant que l’on a ça dans le cœur, on est jeune. Tant que l’on est capable de ressentir quelque chose aussi intensément même sans le vivre, on est comme dans un rêve. Je pense que beaucoup ont cette cachette. On a tous cet être là qui traverse nos vies en étant davantage un symbole qu’une réalité.
 

Le bonheur apparaît également en demi-teinte.

Ce livre, c’est toute une vie. C’est un livre sur l’amitié et le bonheur. Il y a des éclats de joie. Le bonheur par principe, ce n’est pas quelque chose que l’on garde puisqu’il retombe et s’essouffle. Ce qui m’intéresse dans le livre, c’est ce que j’ai toujours fait dans mes bouquins, c’est de montrer que c’est l’enfance qui dirige tout, qui emprisonne, libère et qui est la carte routière de notre vie. Comment, avec ses empêchements et ses joies d’enfant, ses souvenirs heureux ou malheureux, Sandro va devenir un être aimant.
 

Sandro perd son père très tôt, cela conditionne sa vie future.

Effectivement, dans ce cas, il n’y a pas de meurtre du père symbolique puisqu’il est déjà mort. Alors on a tendance à idéaliser l’être que l’on a aimé. C’est tout le temps une double lecture. Le père de Sandro, avant de mourir, préférait son livre à son enfant puisqu’il était emprisonné dans la lecture. On lui a expliqué qu’un garçon imaginaire, c’était plus important que lui. Le père est magnifié par l’enfant et la littérature prend aussi une place énorme. Tout au long de son existence, il pense que la vie rêvée est plus forte que celle qui est vécue. C’est un personnage qui alterne entre les deux. Mais il méprise la réalité. C’est un homme qui nous ressemble finalement. Ce n’est pas un héros.
 

Qu’est-ce qui vous pousse à écrire sur ce qui fait vibrer l’âme humaine ?

Sûrement l’empathie. J’aime les gens. J’aime leurs histoires. C’est agréable l’interview, mais la réalité, c’est que j’aime mieux que les gens me parlent d’eux. J’adore que l’on vienne me parler. Je pense que mes livres, quelque part, consolent de ce que l’on n’a pas su être ou de ce que l’on n’a pas été capable de vivre. J’ai horreur des livres qui n’accordent pas d’espoir à l’humanité. J’écris parce que je suis d’une hyper sensibilité. C’est ma façon de donner aux autres. D’autant plus que je pense être débarrassée de moi-même. Dans Les promesses, par exemple, il n’y a rien de ma propre histoire. Il y a ma façon d’imaginer le monde. C’est une façon pour moi de tendre la main pour aller à la rencontre des autres.
 

Comment envisagez-vous l’écriture et les critiques ?

Ecrire, c’est un acte de générosité, sinon cela ne sert à rien. Je n’écris plus pour me faire du bien. Je l’envisage comme un don pour les autres. Un livre, c’est vraiment comme un bébé que l’on met au monde. Il y a toujours une inquiétude car on a envie que les lecteurs l’apprécient. La critique peut être violente et bien sûr douloureuse. On est parfois agressé. Dans une émission de télévision, j’ai même cru me retrouver devant un tribunal de guerre. Pour faire de l’audience, ils sont capables de laminer quelqu’un. Je ne veux plus jouer ce jeu là. Les chroniqueurs qui sont à la manœuvre pensent que l’on peut agir impunément en agressant des gens qui vont tomber et se relever comme sur un ring. Mais moi, mon métier, ce n’est pas boxeur.
 

Pourquoi ce titre Les promesses ?

Plus on avance dans la vie et moins la possibilité de faire des promesses existe. La vie est une promesse. Mais plus on vieillit, plus les promesses s’abîment. On fait aussi des promesses que l’on s’entend répéter et qui ont donc de moins en moins de valeur. Pour moi, la jeunesse c’est la réserve de promesses. Dans ce titre, il y a quelque chose de très littéraire, puisqu’il y a les promesses amoureuses et celles de la vie. Dans mon livre, les promesses de mon héros sont immenses. Il peut tout avoir mais la vie l’ampute de ses promesses.
 

Propos recueillis par Pascal Hébert.

Les promesses d’Amanda Sthers (Grasset). 302 pages. 19 €.


Amanda Sthers : du théâtre au cinéma à Paris
 

La rentrée s’annonce chargée pour Amanda Sthers. Tout au long de l’automne, elle sera sur les routes de France à l’occasion de la sortie de son livre Les promesses. Depuis le 9 septembre, elle est au théâtre de la Renaissance (Paris X) à l’affiche d’une pièce co-écrite avec Morgane Spillemaecker. Ce Conseil de famille réunit entre autres Frédéric Bouraly (Scène de ménage) et l’infatigable Eva Darlan : « C’est de l’humour anglais grinçant. Ce sont trois enfants qui attendent leur mère. Le grand frère explique que leur mère qui vieillit devra sous peu aller en maison de retraite. Mais matériellement, il ne pourra pas suivre. Il a une idée : pourquoi ne pas mettre quelques cachets dans son verre … Cette proposition, qui ressemble à une blague, fait son chemin. Tout au long de la pièce, ils se disputent pour savoir s’ils lui donneront ou pas ce fameux cocktail. C’est très drôle avec des comédiens très efficaces. »  précise Amanda, qui aura une autre pièce de théâtre à l’affiche parisienne en janvier avec Gérard Darmont. La romancière prépare également un film en coproduction franco-américaine : « Pour l’instant, je n’en parle pas beaucoup, mais je tourne à Paris en mars un film en anglais. Il y a des acteurs américains comme Rosanna Arquette. Il y aura également Rossy de Palma. Je finalise le projet… »
 

Amanda Sthers en bref 

- Amanda Sthers est romancière, cinéaste et dramaturge.
- Elle obtient la reconnaissance internationale avec sa pièce de théâtre Le vieux juif blonde.
- Amanda Sthers s’impose en littérature avec des romans emplis de finesse comme Ma place sur la photo ou Chicken Street.
- Amanda Shers s’est rendue au lycée Rotrou de Dreux en 2009 pour présenter en avant première des rushs de son premier film à la classe cinéma de Thierry Méranger.







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