France Politique

François Fillon : l'épreuve d'endurance commence

Publié le  Par Patrick Béguier

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Hermès Le Court de Béru

François Fillon a réalisé un départ idéal dans la course de la présidentielle, mais il reste de nombreux tours à effectuer avant l'arrivée. Son programme sera mis à rude épreuve et, il le sait, une avance confortable ne garantit pas la victoire.

 
 
 
 
Déjà, les instituts de sondage le mettent en tête au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017, puis le donnent largement vainqueur… le dimanche 7 mai. Les sondages ? François Fillon s'en méfiera sans doute : ils l'avaient enterré depuis longtemps dans la primaire de la droite et du centre. C'est le premier danger pour lui : se retrouver "juppéisé", être présenté en probable gagnant au fil des mois, autrement dit, devenir pour ses adversaires de tous bords, une cible permanente, totalement identifiable. On sait ce qu'il en est advenu pour le maire de Bordeaux !
 

Gauche en miettes

 
Il est vrai que, pour l'heure, il n'a pas grand chose à craindre de la gauche. Elle est en miettes, car elle connaît une fracture idéologique profonde entre une gauche dite de gouvernement et une gauche de rupture, d'opposition frontale au système. François Hollande appelle au "rassemblement", mais déjà n'est pas capable de réunir son propre camp, tant il est critiqué sur son bilan, son comportement. Il a pris le pavé des journalistes du Monde ("Un président ne devrait pas dire ça…") en pleine figure, pensait récupérer du coup reçu après quelques semaines et voilà que son premier ministre tente de l'assommer pour l'empêcher de solliciter un deuxième mandat. Certes, il faudra bien que, rapidement, la situation se débloque à la tête de l'exécutif : François Hollande et Manuel Valls ne peuvent pas se retrouver face à face dans leurs costumes institutionnels respectifs. Le premier ministre devra démissionner ou être démissionné ou rester à Matignon et lâcher son bâton.
Cette primaire de la gauche, en janvier, se présente, de toute façon, très mal. Le PS tarde à l'organiser, les concurrents prêts à s'affronter ne suscitent pas l'enthousiasme. Quant à Arnaud Montebourg, il a le culot d'appeler la droite à venir voter pour éliminer… Hollande ! Impréparation, casting de seconds rôles, cynisme… Ce ne sont pas les ingrédients permettant à la primaire de la gauche de donner les mêmes appétits que celle de la droite. Qui se déplacera pour départager Lienemann, Filoche, Hamon, Montebourg… alignés avec un Hollande discrédité et (ou) un Valls plus "Brutus" que Macron ?
 
En revanche, François Fillon prend un risque au centre. Doit-il craindre la candidature d'un François Bayrou ? Sans doute pas. Ce serait la quatrième fois que le président du Modem se présenterait à l'élection présidentielle. C'est beaucoup. Son image a pâli et devenir le supplétif d'Alain Juppé ne constitue pas une force en soi. 
Mais Emmanuel Macron représente pour lui un vrai danger. L'ex-ministre de l'Économie a l'avantage de la jeunesse, de la modernité. Il ne se privera pas de présenter François Fillon comme un homme du passé et du passif (premier ministre pendant cinq ans de Nicolas Sarkozy !), comme un conservateur, englué dans son catholicisme, saisi par le démon d'un libéralisme qui se résume au moins d'État, au moins de Sécu, au moins de, au moins de... Quand on est vraiment libéral, on ne l'est pas qu'au plan économique.
 

"Casse sociale"

 
Bien sûr, le Front National reste l'ennemi. Beaucoup pensent que François Fillon pourra capter le vote FN mieux encore qu'espérait le faire Nicolas Sarkozy. Le style n'est pas le même. La posture supposée incarner la droiture, la brutalité clairement affichée du programme, les thèmes de campagne sur l'islam radical ou l'immigration sont de nature à séduire des Français prêts à voter pour Marine Le Pen. Mais il s'agit là d'une certaine bourgeoisie, d'une population attachée aux traditions, farouchement opposée à une gauche qu'elle diabolise et à une droite qu'elle accuse de faiblesse.
Le Front National va sortir l'artillerie lourde. Marine Le Pen parle déjà de "casse sociale". Les ouvriers, les employés, les cadres moyens qui se sentent les oubliés du système et se jugent les perdants de la mondialisation ne se retrouveront pas dans les propositions de François Fillon. Marine Le Pen va leur parler Sécu, pouvoir d'achat, heures de travail… N'oublions pas que de nombreux anciens électeurs communistes sont passés à l'extrême droite ! François Fillon n'est pas de leur monde. En outre, il risque de perdre nombre d'électeurs sarkozystes plus sensibles aux idées frontistes, aux revendications populaires, qu'à la thérapie familiale d'un médecin de campagne.
Le candidat désigné de la droite (et du centre ?) va avoir du mal à joindre les deux bouts du vote FN. Sauf s'il s'adoucit au fil des mois sur l'économique et le social. Dans son entourage, on affirme qu'il ne changera pas son programme d'un iota. C'est faux. François Fillon, agressé de toutes parts, rappelé à l'effacement (la médiocrité ?) dont il a fait preuve comme "collaborateur" de Nicolas Sarkozy, devra zigzaguer avec talent pour garder son avance.
 
Patrick Béguier
Journaliste politique et écrivain
 
 
 
 






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