France Politique

Présidentielle : le temps des irréconciliables

Publié le  Par Patrick Béguier

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Manuel Valls a prétendu qu'il y avait désormais deux gauches "irréconciliables". Qui avouera que nous voyons aujourd'hui apparaître deux droites "irréconciliables". Notre paysage politique, avec la montée de l'extrême droite et la création d'une force "progressiste", va profondément changer.

 
 
 
Les primaires, tant celle de la droite que celle de la gauche, n'ont pas servi uniquement à désigner des candidats pour la prochaine élection présidentielle. Elles ont révélé, au-delà des programmes, des visions politiques très différentes. On en ressent actuellement tous les effets.
 

Corbeille de mariage

 
Benoît Hamon ne parvient pas à rassembler derrière lui l'aile droite de son camp. Non seulement Manuel Valls et ses partisans ne le suivent pas, mais les membres du gouvernement, dont - faut-il rappeler - il a fait un temps partie, se gardent bien de lui envoyer des signes d'encouragement. On parle déjà de campagne "ratée", on se demande encore pourquoi le candidat socialiste a, pendant un mois, couru derrière Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot avec les résultats que l'on connaît : "l'Insoumis" ne s'est pas soumis, bien que se trouvant régulièrement derrière Benoît Hamon dans les sondages ; le mariage de raison avec le candidat des Verts n'a rien apporté ou presque. Deux points peut-être dans la corbeille, alors que le socialiste, de son côté, lui a fait cadeau d'une quarantaine de circonscriptions aux prochaines législatives. 
Benoît Hamon cherche maintenant à "revoir", à "amender", son fameux projet de revenu universel. Trop tard sans doute. Beaucoup de socialistes ont déjà fait le choix d'Emmanuel Macron. Le dernier en date et non des moindres : l'ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë !
 

Droite dure

 
Sur l'autre bord, on savait déjà qu'au-delà des rivalités personnelles, il existait des différences entre la vision d'un Sarkozy et celle d'un Juppé. Mais le mauvais feuilleton du Penelope Gate a montré qu'il existait désormais deux camps et on voit mal comment à l'avenir ils pourront réunir leurs tentes autour d'un même drapeau. Nicolas Sarkozy a transmis le virus de la droite dure à un François Fillon trop affaibli pour résister. Le Sarthois avait gagné la primaire de la droite grâce à un programme économique et social draconien ("une purge", n'avaient pas hésité à dire certains commentateurs), mais il n'avait pas le discours d'un Sarkozy sur l'identité nationale, la sécurité, la justice, les médias. 
Comment la droite modérée, qui regarde vers le centre, pourrait-elle suivre cette droite extrême ? Comment les juppéistes pourraient-ils s'investir à fond dans la campagne d'un "rescapé" devenu l'otage des sarkozistes ? N'oublions pas les paroles d'Alain Juppé, lundi dernier. Il a dénoncé le noyau "radicalisé" autour duquel François Fillon tente de se reconstruire. C'est clair.
Plaignons l'UDI qui, un peu trop vite sans doute, a voulu couper l'amarre qui reliait son frêle esquif à un navire qu'elle jugeait en perdition. La voilà maintenant toutes voiles dehors pour se raccrocher à l'insubmersible François Fillon. Elle est "en attente d'initiatives". Blablabla ! L'UDI espère simplement sauver les promesses qui lui ont été faites pour les législatives. Pitoyable !
 

IVe République

 
Faisons les comptes : un FN, en pleine forme, qui pourrait l'emporter en mai, mais n'a pas d'alliés ; une extrême gauche ("la France insoumise") qui résiste et espère emporter des sièges à l'Assemblée faute de pouvoir accéder à l'Élysée ; une droite dure filloniste qui tente de reprendre la mer ; une droite modérée, incarnée par les juppéistes, qui renâcle à la tâche du rassemblement ; une gauche qualifiée d'utopiste emmenée par les ex-frondeurs ; une gauche réformiste représentée par les vallsistes ; un nouveau bloc "ni gauche, ni droite" s'étiquetant "progressistes"…
Personne n'est en mesure d'écraser les autres. L'alternance gauche-droite inscrite dans les gènes de la Ve République a vécu. Bien sûr, le 7 mai, il y aura un vainqueur. Devant quelle Assemblée le nouvel hôte de l'Élysée et son Premier ministre vont-ils se retrouver ? Auront-ils une véritable majorité ? Devront-ils nouer telle ou telle alliance au fil du quinquennat ou (et) en fonction des dossiers ?
C'est peut-être la IVe République qui nous attend sous le képi de la Ve.
De Gaulle doit se retourner dans sa tombe !
 
Patrick Béguier est journaliste politique et écrivain.
 






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