Pont des Arts : « A ce jour, j'ai sauvé environ 400 cadenas d'amour »

Paris a trouvé son sauveur de cadenas ! Et quoi de mieux qu’un artiste bijoutier spécialisé dans les clés pour sauver les amours de toute une population de Parisiens et de touristes venus du monde entier pour sceller leur amour sur le Pont des Arts ? C’est en tout cas ce qu’essaye de faire Phileas le cléateur, parisien de naissance, amoureux de la capitale, et créateur de la marque de bijoux Le cléateur Paris. Rencontre.

 

Paris Dépêches : Pourquoi enlever les cadenas pour les rendre ? Comment avez-vous eu cette idée ?

 

Phileas le cléateur : Au mois de juillet dernier, j’ai reçu un email dans une langue inconnue que j’ai gardé en tête parce qu’il contenait la photo d’un cadenas ancien, ce qui m’avait intrigué. Ce n’est qu’en novembre, soit 4 mois plus tard qu’une nouvelle connaissance m’a informé qu’il s’agissait de chinois et me l’a fait traduire.
 

Le mail racontait une belle histoire d’amour consacrée par la pose d’un cadenas d’amour sur le Pont des Arts en 2012. Le couple refusait de voir le projet de la mairie de Paris faire disparaître le témoignage d’amour qu’il avait confié à la ville la plus romantique du monde. Ayant compris sur mon site internet que mes bijoux étaient faits à partir de clés anciennes et que j’étais à Paris, le couple m’a demandé de retrouver le cadenas de la photo jointe, de le sauver et de le renvoyer en Chine.
 

En cherchant le cadenas de mon couple chinois, j’ai eu l’idée d’anticiper pour d’autres ce que ce couple m’avait demandé. Ainsi, muni d’une sacoche contenant une centaine de clés anciennes, j’ai arpenté le Pont des Arts puis le Pont de l’Archevêché pour sauver le plus de cadenas possible. Je pense que tous les amoureux qui sont venus à Paris, entre autre pour y mettre un cadenas d’amour, doivent être respectés. La destruction de leur cadenas ne va pas dans ce sens. Aujourd’hui, je me sens investi d’une mission qui se précise de plus en plus, puisque je reçois tous les jours des emails chargées d’émotions venant des quatre coins du monde me demandant de retrouver leur cadenas.

 

Paris Dépêches : Comment retirez-vous les cadenas du grillage ?

 

Plc : Muni de certaines de mes clés, avant sublimation en bijoux, j’agis comme le serrurier d’autrefois lorsqu’il était appelé pour ouvrir une porte dont on avait perdu la clé. J’essaie, une, deux, parfois dix clés pour tenter l’ouverture et parfois, déçu, j’abandonne, la serrure me résistant quoi qu’il arrive. Je me focalise sur les cadenas anciens puisque ce sont les seuls que mes clés me permettent d’ouvrir.

 

Mairie de #Paris va nettoyer le #pontdesarts Voyez les #cadenasdamour que j'ai sauvé Plein d'autres à vous montrer pic.twitter.com/EngcAFUJGG

— Phileas le cléateur (@Philcleateur) 30 Mai 2015

Paris Dépêches : Comment allez-vous retrouver les propriétaires des cadenas ?

 

Plc : Je n’ai pas prévu de retrouver moi-même les amoureux propriétaires. J’ai plutôt prévu que ce soit eux qui me trouvent. A ce jour, depuis le weekend de fermeture du pont pour travaux, j’ai été interviewé par les télés du monde entier, les radios, les agences de presse et mon nom « Phileas le cléateur » a circulé en anglais, en espagnol, en turc, en chinois, en japonais… Mes comptes Facebook, Twitter et Instagram relaient mon actualité. J’envisage de créer un site Web dans lequel je publierai les photos de tous les cadenas d’amour que j’aurais réussi à sauver. Un formulaire de contact permettra aux amoureux qui reconnaitront le leur de communiquer avec moi.

 

Paris Dépêches : Certaines personnes vous ont-elles contacté pour que vous leur retiriez leur cadenas ?

 

Plc : Depuis le 1^er juin, jour de la fermeture du Pont des Arts pour retrait de tous les cadenas, j’ai reçu une centaine de demande de sauvetage, du monde entier. Chaque histoire est unique, touchante et tous les couples m’adressant leur demande ne veulent pas que leur cadenas soit détruits ou transformés en « œuvre d’art ». Ils veulent juste le récupérer, l’encadrer, le transmettre à leurs enfants et raconter leur histoire d’amour.

 

Paris Dépêches : Combien de cadenas avez-vous déjà pu rendre à leur propriétaire ? Combien de cadenas avez-vous pu sauver ?

 

Plc : A ce jour, j'ai sauvé environ 400 cadenas et je suis conscient que ce n’est qu’une infime partie du million de cadenas d’amour qui ont été posés sur le Pont des Arts. Cependant, si la Mairie de Paris m’ouvre les portes de ses entrepôts, je pourrais peut-être en sauver 10, voire 20 fois plus et le poids de tout cet amour sauvé et renvoyé aux antipodes sera la preuve que Paris reste la capitale du romantisme.

 

Paris Dépêches : Que pensez-vous de cette politique de la mairie de Paris d'enlever les cadenas du pont des arts ? Comprenez-vous que la sécurité du pont soit mise en péril ?

 

Plc : Je suis tout à fait conscient que le pont était trop lourd et que si l’on n’avait pas stoppé le phénomène, il ne se serait pas arrêté de lui-même. Cependant, si nous voulons que la France reste le pays plébiscité par le tourisme mondial et que Paris regagne la première place, je pense qu’il faut mettre en place une politique romantique pour « la ville la plus romantique du monde » selon les touristes étrangers eux-mêmes.
 

J’ai tenté d’entrer en contact avec Madame Anne Hidalgo, la Maire de Paris afin qu’elle m’autorise l’accès aux entrepôts où sont stockés les cadenas déjà démontés par le passé. Je n’ai reçu qu’une seule réponse ne me prenant pas au sérieux dans cette affaire et ne donnant pas suite. Enfin, j’ai rencontré monsieur Bruno Julliard, le premier adjoint de Madame Hidalgo après la conférence de presse qu’il a donné le 1^er juin dernier sur le Pont des Arts. Celui-ci m’a assuré que son cabinet avait mes coordonnées en mains et ses instructions pour me donner un rendez-vous. J’attends.
 

Paris Dépêches : Jusqu'à quand resterez-vous sur le pont ? Combien de temps durera votre action ?
 

Plc : Aujourd’hui, je me rends sur les autres ponts parisiens dont le Pont de l’Archevêché pour sauver ce qui peut encore l’être. L’opération #bringbackourlock durera le temps que nous aurons encore des cadenas en notre garde.