Paris (75) Pratique

La coulée verte du Ruisseau

Publié le  Par Antoine Sauvêtre

image article

jardinonsensemble.org

L’écologie ne s’arrête pas aux portes de Paris. Dans le XVIIIème arrondissement, un jardin bio partagé et atypique accueille les mains vertes de la capitale depuis 1998. Une initiative prise par les habitants du quartier. Depuis, le verger lie l’utile à l’agréable. Reportage au cœur des Jardins du Ruisseau.

Il plane une odeur d’urine cet après-midi d’hiver, dans la rue du Ruisseau. Une ruelle d’un quartier populaire qui flirte avec le périphérique de la porte de Clignancourt, au nord de la capitale. Un homme y récupère de vieux bouts de cartons sur le sol, qu’il empile dans un cadi pour y mettre le feu. Bientôt, ses marrons seront assez cuits pour réchauffer les curieux du marché aux Puces, à quelques pas d’ici. Le long de la rue, de hauts grillages entourent le pont qui enjambe l’ancienne Petite Ceinture. Ces voies ferrées qui desservaient jadis plusieurs gares tout autour de Paris. Des barbelés au-dessus des portiques donnant sur les voies interdisent tout accès à un lieu très protégé hors des horaires d’ouverture. Ils remplacent les panneaux d’interdiction mais leur présence semble plutôt signifier « défense de saccager ».
 

Car trois mètres en dessous de cette rue, un vent de fraicheur souffle sur le quartier. Difficile de croire que ces voies abandonnées depuis 1950 étaient un véritable dépotoir. Pourtant au loin, derrière la gare d’Ornano en ruines, demeure les vestiges du temps passé. Des ordures de toutes sortes gisent sur les voies.

Précurseurs des jardins partagés de la capitale

Il vaut mieux ne pas avoir le regard fuyant et se contenter d’observer ce qui est devant soi. Depuis 1998, les habitants du quartier se sont réapproprié une partie du lieu. Sur près de 500 mètres, c’est un couloir de fleurs et de légumes qui invitent les badauds à apprécier le hobby de quelques mains vertes. Les Jardins du ruisseau sont les précurseurs des jardins partagés de la capitale, qui en compte aujourd’hui une centaine, unis par une charte « Main verte ». Mais celui-ci est aussi probablement le plus atypique. Cette pépinière est un savoureux mélange de vie urbaine et de Nature.
 

Ici, les tags sur les façades côtoient les jonquilles jaunes, les arbres aux fleurs blanches et les légumes verts. Certains graffitis aussi sont hauts-en-couleurs, d’autres moins. Voire pas du tout. Dans tous les cas, ils sont restés comme ils étaient à l’origine. Quand cette parcelle s’accordait encore au paysage urbain. Aujourd’hui, cette bordure de chemin de fer est une coulée verte. Un corridor de végétaux où s’amassent tout ce que l’on peut trouver dans un jardin de campagne.  Sous les escaliers, près d’un cabanon, des arrosoirs, des brouettes sont soigneusement exposés. A quelques mètres, un bassin de récupération d’eau de pluie primé en 2010 affirme le côté écolo du potager. Les plantations sont cultivées sans aucuns produits phytosanitaires. Un simple compost est mis à la disposition des jardiniers. Au fond, des abeilles attendent patiemment le mois de juin pour sortir leur dard des ruches mises à leur disposition.

Un calme rare près du périph’ parisien

L’hiver est peu propice aux visites spontanées. Seuls quelques adhérents – le jardin en compte près de 300 – viennent admirer quotidiennement leur travail. Cet après-midi-là, ils sont trois à arpenter les arceaux de verdure invitant les visiteurs à s’engager dans la galerie graminée. Un couple d’une trentaine d’années et une dame un peu plus âgée se sont donnés rendez-vous pour un brin de causette. Après s’être fait la bise, ils s’assoient sur l’une des nombreuses tables qui longent la parcelle. Ils n’ont rien de ce que l’on peut attendre de jardiniers ordinaires. L’une porte un manteau rouge en velours. L’autre, un chapeau blanc vissé sur le crâne, tient dans ses mains une trottinette. Mais peu importe, ces habitués ne sont pas venus brasser la terre, mais simplement profiter du soleil rayonnant sur les voies et du silence ambiant. Un calme si rare dans ce quartier voisin du périph’ parisien. Les murs de la voie ferrée font office de remparts, protégeant les plantes et les promeneurs du bruit assourdissant de la circulation. On en oublierait presque que l’on se trouve dans l’une des plus grandes villes d’Europe. Seule la présence des pigeons roucoulant au-dessus des têtes rappelle que nous sommes bel et bien à Paris.
 

Les trois comparses sont aussi le reflet du rôle tenu par le jardin dans le quartier. Depuis sa création par un groupe de riverains, visant à sensibiliser les enfants des écoles voisines à l’environnement et au civisme, il est un vecteur de lien social entre une population dense et diverse, tant sur les aspects culturels que générationnels. Les amis du Jardin du Ruisseau, l’association qui gère l’espace vert, a bien compris son utilité sociale. Elle organise de nombreux événements à caractère artistique, culturelle et pédagogique qui ont tous pour objectif de réunir les résidents dans un moment de partage. C’est aussi un beau moyen d’embellir un quartier longtemps abandonné aux vices des habitants de la Ville. Anne Hidalgo, la candidate socialiste à la mairie de Paris, est d’ailleurs venue durant sa campagne, qui n’a jamais aussi bien portée son nom, soutenir ce genre d’action citoyenne. L’adjointe au maire veut même agrandir le jardin au reste des voies ferrées et redonner à ces lieux délaissés depuis bien longtemps un second souffle, et à leur voisinage, une grande bouffée d’oxygène.
 

A lire : Caroline Falletta, la main (verte) tendue







Réagir

Si vous souhaitez voir votre commentaire apparaître directement sur le site sans attendre la validation du modérateur, veuillez vous identifier ou créer un compte sur le site Paris Dépêches.


Publier le commentaire

Me prevenir des réponses




Commande de vin

Vêtements bio

retour menuRetour au menu

© 2013 AMLCF - Réalisation : NokéWeb