France Culture

David Ramolet connaît bien la chanson !

Publié le  Par Pascal Hébert

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Jean-Denis Robert

Qui s’en souvient ? Très bonne question ! C’est le titre du dernier roman de David Ramolet. Le meilleur ! Ce jeune romancier est un homme de passion. La passion peut entraîner vers des excès mais David Ramolet a évité cet écueil.

Amateur de chanson et serviteur de cet art, David Ramolet a bien connu, dans une autre vie, ce que l’on appelle le système ou le show business.

Deux mondes aux antipodes qui se marient parfois avec bonheur et plus souvent pour le pire. C’est le cas de Lionel Thorin, le héros de ce roman. Chanteur adulé dans les années 80, comme de nombreux faiseurs d’un titre, il est retombé aussi vite dans l’oubli, l’anonymat le plus complet. C’est cette histoire que David Ramolet nous raconte avec tendresse et humanité avec des personnages aussi importants les uns que les autres.


David Ramolet qui s'en souvientLionel Thorin est un créateur. Après des années de galère et grâce à une bonne alchimie qui fonctionne avec son guitariste, il atteint le succès. Un succès qui l’emmène dans le star system avec tournées, fans en délire, dépenses somptuaires, invitations à gogo. Comme de nombreuses vedettes, Lionel Thorin perd le contact avec la réalité jusqu’au jour où tout s’effondre. La mégalomanie l’aveugle et il se sépare de son musicien fétiche. Un troisième album sur commande ne touche pas le public et tout le métier lâche Thorin. David Ramolet nous fait suivre pas à pas la déchéance de celui qui a tout connu. Vivant au crochet de ses anciens gardiens de sa villa, Lionel Thorin s’abandonne à l’alcool et au désespoir. Jusqu’au jour où le producteur d’une tournée de vieilles gloires fait appel à lui.
 

Avec une sensibilité à fleur de peau et une affection sans borne pour son héros, David Ramolet nous livre une belle histoire et la face cachée d’un métier qui n’est pas fait que de paillettes. En parcourant les lignes de ce livre, on ne peut s’empêcher de penser à Michel Delpech, Brassens pour la cohabitation avec le vieux couple, et des gloires éphémères des années 80 comme Desireless, Jackie Quartz et bien d’autres oubliées.

La force de David Ramolet, c’est de nous avoir fait entrer dans ce cirque incroyablement divers de la chanson. Comme le disait si bien Georges Moustaki : « Le show (spectacle) est une affaire trop sérieuse pour être laissé aux seuls soins du business (affaire) ».
 

Qu’est ce qui vous a poussé à écrire sur le métier de chanteur ?

La chanson fait partie intégrante de ma vie. Ma mère m’a toujours raconté que lorsque je suis né, elle me chantait le Petit Garçon de Reggiani pour m’endormir. C’est d’ailleurs certainement de là que vient mon goût prononcé pour les chansons à texte. J’ai baigné très tôt dans la chanson et j’en ai écrit plus de trois cents puisque j’ai fait, modestement, le chanteur pendant vingt ans dans un groupe.

 

Qui est Lionel Thorin ?

J’ai pris l’habitude de dire que Lionel Thorin est le chanteur que vous avez aimé mais que vous avez oublié. Ça pourrait être n’importe qui pourvu qu’il n’existe plus artistiquement. Car c’est là le sujet de mon roman, il a perdu le contact avec le métier, le public… Et personne ne s’en est rendu compte !
 

Quel regard portez-vous sur ces chanteurs d’un tube qui tombent dans l’oubli ?

J’ai forcément de l’empathie pour eux même si je n’aimais pas ce qu’ils faisaient. Ces artistes, c’est le cas de mon personnage, n’avaient certainement pas les épaules pour être propulsés aussi violemment au sommet de la gloire. Ils ont simplement rencontré les gens qu’il fallait à un moment donné  mais ils n’ont pas résisté à cette machine infernale qui broie si facilement la carrière et l’existence de ces chanteurs qu’on appelle artistes éphémères.
 

 « Brassens a mis vingt ans à sortir de l’ombre »


Est-il si difficile aujourd’hui de faire carrière comme Brassens ou Brel ?

C’était une autre époque, incomparable à celle d’aujourd’hui. Il faut quand même se souvenir que Brassens a mis vingt ans à sortir de l’ombre. Pendant tout ce temps, il a vécu aux crochets d’amis. Personne ne peut imaginer les sacrifices qu’ont faits ces gens-là avant de devenir des monuments incontournables de la chanson. Je serais curieux de connaitre le nombre d’artistes de l’époque Brel-Brassens qui, malgré un incontestable talent,  sont morts de faim et de désillusion dans l’anonymat le plus complet.


Est-ce que, comme le disait Aznavour, on réussit avec beaucoup d’argent et peu de talent ?

La chanson d’Aznavour est très sympa mais, en toute objectivité, je ne suis pas sûr du tout qu’on réussisse dans ce métier sans talent. D’ailleurs comme disait Brel : « Avoir envie de réaliser un rêve, c’est le talent. Et tout le reste, c’est de la sueur. C’est de la transpiration, c’est de la discipline. »


La musique est-elle devenue plus importante que le texte dans les chansons d’aujourd’hui ?

Mais de tout temps, vous avez eu des chansons avec des textes magnifiques, moyens, pas terribles ou carrément nuls. Aujourd’hui, vous avez des artistes qui écrivent des textes exceptionnels. Ce qui est parfois compliqué, dans ce qu’on appelle la Chanson Française, c’est plutôt un manque d’originalité dans la musique parce que les artistes, amoureux des mots, privilégient les paroles à la musique. Certains artistes le comprennent et confient la composition à de « vrais » musiciens. Malheureusement, sous prétexte qu’il y a du  texte, certains pensent que trois misérables accords vont faire l’affaire.

 
« Ils vivent de leur art et c’est ça le principal »


Actuellement, est-il possible de durer dans la chanson ?

C’est une question à double sens ! Parce qu’il faut d’abord se poser la question de savoir si un artiste est capable d’écrire plusieurs chansons et de tenir la route sur la distance. Tout le monde ou presque est capable de courir comme un cinglé sur cinquante mètres. Tous ne pourront pas faire le marathon ! Quand on parle de réussir et de durer dans la chanson, on pense à Souchon qui est au sommet depuis quarante ans mais je connais beaucoup d’artistes qui jouent depuis trente ans et qui ont un public de fidèles. Bien sûr, ils jouent dans  des lieux de soixante, soixante-dix places mais ils vivent de leur art et c’est ça le principal.


Que pensez-vous de ces vieilles gloires qui partent dans des tournées nostalgiques ?

Evidemment, j’en parle dans mon roman et de manière pas très tendre. Ceci dit, ce genre de spectacles  permet à des artistes oubliés  de revenir sur scène et, financièrement, de sortir parfois de la misère. Bien sûr, on peut parfois avoir la dent dure pour ces tournées qu’on a tendance à cataloguer de ringarde et parfois un peu pitoyable mais  le public se déplace pour ce genre d’évènement et redonne peut-être un but à l’existence d’anciennes vedettes. Rien que pour ça, ces tournées ont le mérite d’exister.


Quel est votre regard sur le show business ?

Je regarde aujourd’hui  tout ça d’assez loin ! Lorsque je jouais avec la Brinche, entre 1995 et 2008, nous avons eu des producteurs pour nos disques mais tout cela restait très confidentiel. A cette période, nous avions des copains qui se faisaient parfois repérer par des personnes qui avaient les moyens de les promouvoir plus professionnellement. Beaucoup y ont cru, nous les premiers. Le seul copain du Mans qui soit sorti du lot durablement c’est Emmanuel Moire !


Le public a-t-il toujours raison ?

Mais qui est-il ce public dont vous parlez ? Je suis, depuis plus de trente ans, un inconditionnel d’Hubert-Felix Thiéfaine. Les salles dans lesquelles il se produit sont généralement bondées. Mais les salles où joue Frédéric François et les tournées nostalgiques aussi. Alors, forcément, je suis tenté de vous répondre que le public de Thiéfaine a raison… Un artiste qui ne séduit pas ou plus son public meurt. Mais, ce n’est pas lui qui doit être incriminé. Je me souviens, il m’est arrivé, lorsque j’étais sur scène, de trouver que le public était nul, qu’il ne réagissait pas comme je le voulais ou qu’il était particulièrement froid.  J’ai compris avec le temps que ce n’était pas à lui de me plaire c’était à moi de le séduire.  


La chanson française est-elle en perdition ?

La bonne chanson française a toujours existé et elle existera toujours. Seulement, et c’est la grande différence aujourd’hui, elle ne vient plus systématiquement à nous par la télévision ou la radio. Il faut aller la chercher ailleurs. Mais, je sais qu’elle a encore de beaux jours devant elle !

Propos recueillis par Pascal Hébert.


Qui s’en souvient ? de David Ramolet aux éditions Ella. 314 pages. 19 €.







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