France Pratique

Pour la gauche, le défi des « oubliés ».

Publié le  Par Jennifer Declémy

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Le prochain défi du quinquennat de François Hollande ne sera pas seulement de résorber les déficits publics, faire diminuer le taux de chômage, travailler sur la scène internationale ou encore garantir plus de droits sociaux. Il sera aussi et surtout de reconquérir ces "oubliés" français qui se réfugient désormais dans l'abstention ou le vote d'extrême-droite.

 

Selon un récent sondage Viavoice, les ouvriers ont voté en masse pour le candidat socialiste dimanche dernier, à près de 68%, tandis que 58% des employés ont aussi opté pour François Hollande. Si certains se félicitent de ce vote qu’ils interprètent comme un retour des classes populaires au sein du giron de la gauche, ce constate est cependant à nuancer dans la mesure où c’est bien plus l’antisarkozysme qui a suscité ce vote socialiste qu’une réelle adhésion.

Depuis 1995 c’est désormais acté, les socialistes, et la gauche de manière générale, ont un problème avec les classes populaires qui les ont délaissées pour se réfugier dans les bras séducteurs de l’extrême-droite qui, à coup d’envolées anti-immigrés et anti-élites, a réussi à se faire un nid dans cet électorat massif en France. C’est encore plus vrai avec Marine Le Pen qui a réussi à comprendre la dynamique sociale qui animait cet électorat, à savoir le sentiment qui l’anime « de deux Frances qui suivent des chemins opposés » et que leurs préoccupations ne sont tout simplement plus prises en compte par la classe politique traditionnelle. Une peur accrue de la mondialisation dont ils ne ressentent guère les effets bénéfiques qu’on leur promet pourtant depuis vingt ans et une appréhension négative des flux migratoires qu’ils ressentent comme concurrents sur le plan économique et social, ces deux facteurs expliquent non seulement le vote Front National au détriment du vote socialiste, et le décrochage de ce parti qui a préféré se concentrer sur les classes moyennes.

« On sent que Hollande ne sait pas trop comment s’y prendre avec cet électorat » confiait il y a quelques mois l’élue Géneviève Wortham. Si François Hollande a effectivement tenté, durant sa campagne, de s’adresser aux classes populaires, visitant de nombreuses usines et y faisant souvent référence lors de ses déplacements et discours, ce n’est pas pour autant qu’il a convaincu. Christophe Giuly, géographe expert sur cette question, est d’ailleurs catégorique : le PS n’a pas réussi à trouver le discours adéquat face à cette population qui subit un déclassement social de plein fouet. Il n’a pas su saisir « la rupture d’ordre existentiel [qui] s’est produite » analyse François Miquet-Marty.

Ce phénomène dont parlent ces différents experts s’est encore plus accentué sous le dernier mandat de Nicolas Sarkozy à cause de plusieurs politiques mises en place : arrêt du remplacement d’un fonctionnaire sur deux, fermeture de nombreux services publics et politiques d’aménagement du territoire quasiment inexistantes ont mis en exergue un sentiment d’isolement de cette France au sein de la population française. Une première réponse du nouveau chef de l’état réside donc peut-être dans cette demande criante de présence étatique dans des régions où le manque de transports, de services publics, d’emplois et de loisirs à laquelle il faut répondre d’urgence.

Mais c’est aussi une nouvelle politique face à l’Union Européenne et la mondialisation qu’il va falloir inaugurer sous cette présidence socialiste qui n’inspire guère l’espoir parmi ces français qui n’arrivent plus à percevoir quels peuvent être les aspects bénéfiques de cette ouverture au monde. Répondre aussi aux cascades de plans sociaux, au problème fondamental de la désindustrialisation qui a causé tant de chômage dans ces régions en voie de paupérisation, à la délégitimation des classes politiques tâchées par des années de scandales et d’affairisme, mais aussi et surtout trouver des moyens politiques, économiques, culturelles ou sociaux pour réintégrer cette frange de la population au reste de la France, celle qui vit dans les grandes métropoles, urbanisée, peu farouche devant les flux migratoires et plus libérale sur le plan des valeurs morales. Un défi considérable, mais qui devra trouver au moins une ébauche de réponse si le nouveau président ne veut pas voir l’extrême-droite de Marine Le Pen gagner en importance pendant les cinq prochaines années.







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