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La lapidation de Bertrand Cantat est-elle juste ?

Publié le  Par Fabrice Bluszez

Crédit image © Bertrand Cantat (copie d'écran)


Cette photo du public, sur la page Facebook de Bertrand Cantat, est légendée : "Un grand Merci au public de Grenoble ainsi qu'à toute l'équipe de La Belle Électrique pour ces deux belles soirées."

On retrouvera l'artiste Bertrand Cantat pour d'autres concerts, après ceux de Grenoble (Isère), ces mardi 13 et mercredi 14 mars... La liste est sur son site. Celui d'Istres et ceux de l'été sont donc annulés, suite à la polémique sur sa reprise de la scène, quinze ans après la mort de Marie Trintignant, pour laquelle il a été jugé et condamné. Quelques réflexions sur des notions oubliées...


Pardon
 

Les valeurs chrétiennes sous-tendent notre justice. Elle a gardé le même déroulé : la faute, la confession de la faute (l'aveu), la contrition (au tribunal), la pénitence (la prison), le pardon... Normalement, si la faute est comprise, si en plus y a pénitence, il y a pardon... Dans l'affaire Cantat, il y a tous les éléments, sauf un, le pardon. La justice a relâché le pénitent, mais la foule ne lui pardonne pas. Ce n'est pas la "censure" du chanteur qui est en cause. Bertrand Cantat ne chante rien d'explosif... C'est juste qu'il chante. Quand, avant le concert, on lui rappelle le meurtre, ce qui est en cause, c'est l'absence de pardon.


Lapidation
 

La lapidation sur Internet, à travers des pétitions qui atteignent 14.400 signatures, comme 14.400 personnes, la pierre à la main, ça n'a rien à voir avec la justice ou la démocratie. Ce sont les mêmes qui vous diront que Lelandais, on peut le faire parler, que Jawad n'aurait pas du sortir de prison et que la prescription, pour tel ou tel crime, ça ne devrait pas exister... Derrière, il y a le souci d'une justice populaire « traditionnelle », avec une foule, un corde, un arbre... Ces gens apparemment modernes, les notions de prescription, d'adaptation de la peine à la personnalité de l'accusé, d'application des peines au fil du temps, de réinsertion, leur sont totalement étrangères.


Perpétuité


Les médias sont en partie responsables. Ils font désormais l'instruction des procès en public. On attend que Lelandais parle et dès qu'il dit une phrase, c'est l'émeute. A défaut de Lelandais, on fait parler les parents de la petite Maëlys. Et ils parlent volontiers pour crier leur souffrance. Quelle émotion ! Avec Bertrand Cantat, même principe : la parole est donnée à la mère de la victime, à son ex-compagnon. Alors que l'instruction est finie, le procès clos, le condamné est sorti de prison... Et Cantat, qui parle à travers ses concerts, est sommé de répondre, ce qu'il fait en agissant. Agir en supprimant des concerts. Et les féministes parlent elles aussi. Et de quoi ? Du meurtre. Si bien que le sujet redevient celui-là... Agiter la parole des familles, c'est perpétuer le crime... Cela sert la presse qui vend de l'émotion comme les cris des féministes servent les féministes plus que Marie Trintignant...


Amour
 

Cantat a le droit de chanter parce qu'aucune loi de la République ne l'interdit. Il aurait été électricien ou garagiste, c'était pareil.... C'est un artiste. Eut-il été violoniste, il aurait pu reprendre ses concerts sans trop de souci... Problème cependant : il chante ce qu'il écrit et son métier, c'est donc de parler aux gens (en chantant). De quoi va-t-il parler ? D'amour ? Ses gestes ont parlé pour lui... En matière d'amour, il faut juger sur des actes... Là, dans ce cas précis, le monsieur n'est plus vraiment crédible, plus vraiment audible.


Révolte


Va-t-il parler de révolte devant le monde d'aujourd'hui ? Soit, et donc ensuite après le concert, il va remonter dans une grosse berline pour regagner son hôtel puis la maison de Nino Ferrer, qu'il a rachetée... Nino Ferrer, artiste torturé, incompris, musicien, poète et peintre qui s'est suicidé sur un chemin de campagne... Bertrand Cantat viendra nous dire que cette existence, son existence, est douloureuse... En chantant, sur des accords de guitare électrique, puis partira avec la caisse... On peut simplement décliner l'invitation à partager son émotion et réserver son argent pour d'autres concerts. Mais s'il y a des gens à qui il donne de l'énergie, comme on le lit sur sa page, alors libre à eux... C'est bien ce qu'on lui reproche, à Cantat, de déborder d'énergie...


Honneur


"Il a effectué sa peine"... Ce n'est pas vraiment le problème. Ce qu'on lui reproche, c'est la mort d'une femme, une actrice, connue. A partir de là, il devient, comme Jawad, une célébrité poursuivie par un événement dont la mémoire ne s'éteindra pas. Jawad aura du mal à retrouver une vie normale n'importe où en France. Bertrand Cantat aussi. Le fait d'avoir tué quelqu'un avec ses poings devrait lui interdire d'aborder certains thèmes en public... Un peu comme certain professeur d'éthique musulmane en prison sur accusation de viol...

Et après la vieille notion de pardon revient en mémoire une autre, celle de l'honneur. L'honneur perdu de Bertrand Cantat ? Peut-être, mais notre honneur à nous, la foule, ce serait de pardonner, justement. On ne peut pas ? Mais si, c'est justement parce que c'est difficile que c'est grand.