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Deux sœurs, de David Foenkinos

Publié le  Par Pascal Hébert

Crédit image © Francesca Mantovani


Il n’y a pas à dire, David Foenkinos possède l’art de distiller du suspense dans une histoire qui pourrait être somme toute d’une banalité absolue. Ajoutez à tout cela du style et vous avez un nouveau grand Foenkinos. Une fois de plus, avec Deux sœurs, le romancier nous surprend avec ses dérapages littéraires contrôlés.

Au fil de la lecture, on se dit que le garçon va jouer dans la facilité en nous présentant une issue téléphonée à son histoire. Mais tout d’un coup, à quelques encablures du mot Fin,  le style se resserre pour nous servir une fin surprenante et explosive ! Un joli tour à la hauteur d’un romancier que l’on aime car il sait nous embarquer là où l’on ne veut justement pas aller. Agathe et Mathilde sont deux sœurs que le destin a réunies dans la souffrance et la douleur de perdre leurs parents. Mathilde a su préserver sa sœur lorsqu’elle a vu sa mère s’enfoncer dans les bras de la mort. Mathilde semblait la plus forte des deux. Prof de lettres, elle paraissait vivre le parfait amour avec Etienne avec lequel elle devait convoler en justes noces. Brûlant d’une passion dévorante, Mathilde tombera du plus haut de son âme lorsqu’Etienne l’abandonnera pour retrouver un précédent amour. Perdant pied, la jolie prof ira jusqu’à gifler l’un de ses élèves préférés. Méconnaissable, torturée par la perte de cet amour qui la portait, Mathilde trouvera finalement refuge dans l’appartement de sa sœur. Devenue l’ombre d’elle-même, l’héroïne se laissera porter par la vie du couple et par sa nièce Lili, petite boule de vie. Un couple qui fait le maximum pour tenter de sortir cette pauvre Mathilde de sa torpeur, de ce côté victime de l’amour. Elle trouve un premier réconfort auprès de son beau-frère au cours d’une soirée culturelle. Cette parenthèse lui montre que la vie vaut d’être vécue. Même lorsque l’effroi s’invite à la table de l’existence. Dans ce livre d’une belle intensité, David Foenkinos en profite pour livrer sa pensée sur l’amour : « Personne ne se comprend vraiment en matière amoureuse ; on croit parfois aux évidences, ou à ce qu’on appelle un coup de foudre, mais la plupart du temps on végète dans un royaume aux repères abolis. » Et David Foenkinos d’enfoncer le clou après un revers : « Après une désillusion amoureuse de l’ampleur de celle qu’elle venait de vivre, soit on dilue soit on s’enferme. »

Lorsque Georges Moustaki s’épanchait auprès de Michel Simon sur sa séparation d’avec Edith Piaf, le grand acteur lui avait répondu : « Ne t’afflige pas, tout ceci est bien banal. » Une banalité que les romanciers savent particulièrement bien embellir !

Pascal Hébert

"Deux sœurs" de David Foenkinos. Gallimard. 173 pages. 17 €