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Amanda Sthers publie Lettre d’amour sans le dire : « Je déteste penser l’humanité en bloc »

Publié le  Par Pascal Hébert

Crédit image © Pascal Hébert


Amanda Sthers est un oiseau qui se pose avec délicatesse sur les branches du cinéma ou de la littérature sans jamais vouloir déranger. Tous les jours d’amour, elle laisse voyager son imaginaire au gré des mots et de sa vie. Depuis son premier roman, "Ma place sur la photo", qui en dit déjà long, elle continue doucement d’explorer la nature humaine, mine de rien, sans avoir l’air d’y toucher.

Lorsque l’on croise Amanda, c’est d’abord son regard et son silence que l’on retient. Un silence habité comme une maison où s’entrecroisent des rires, des chansons, des secrets et des sentiments forts à partager selon son humeur, ses envies et ses rêves. Avec Amanda, le silence parle aussi fort que les mots qu’elle prononce d’une voix calme. Dans son dernier livre, Lettre d’amour sans le dire, Amanda donne l’apparence de sortir de son silence mais c’est en fait pour mieux s’y réfugier. Comme Alice, cette femme bientôt à l’automne de sa vie et qui redécouvre le sentiment d’aimer sous les doigts d’un praticien de shiatsu.

Par le biais du corps et des énergies libérées, Alice retrouve cette douce sensation qui s’empare de votre être lorsque l’amour écrase tout sur son passage, lorsque l’être aimé vous envahit surtout lorsqu’il n’est pas là. Alice et les hommes, c’est une histoire compliquée. Issue d’une famille modeste du Nord, elle aime comme elle peut avec les armes qu’on lui a données. Son amour se heurte souvent à un malentendu. Au fil du temps, elle semble disparaître, devenir transparente au point de s’oublier. Dans cette lettre, Alice se confie à son praticien qu’elle magnifie au point d’apprendre le japonais. Ce voyage intérieur nous montre une femme perdue dans sa vie. Même sa fille prend également ses distances. Mais le corps parle et lui dicte de sortir de son cœur étroit, de sa vie en chemin de croix, de cette petite mort pour retrouver l’envie d’aimer. Aimer jusqu’à ne plus savoir, ne plus comprendre. Sans le vouloir, Akifumi devient son remède contre le froid en la couvrant de sa chaleur pleine et entière. Avec lui, rien n'est comme hier. Rien n'est pareil. Ses doigts experts secouent sa solitude. Dans cette sublime lettre, Alice n’est pas cette femme qui s’apitoie en répétant bêtement nous. Elle nous ouvre son cœur pour nous rappeler qu’il faut aimer jusqu'au désespoir, jusqu'au bout du désir, de l'espérance mais aussi de la souffrance.

Les lettres d’amour, sans le dire, sont toujours les plus belles ! Amanda nous éblouit avec la sincérité et la justesse de ses mots.

Pascal Hébert  
 

Interview :

Amanda, cette lettre d’amour est une bouteille à la mer. Quelle est la source de ce livre ?

Une émotion physique qui m’est arrivée à New York. Alors que je venais d’enquêter deux semaines sur la tuerie de Newton dans des conditions difficiles, je suis allée chercher de la superficialité en allant me faire faire les ongles dans une petite boutique sur rue. Une femme s’est mise à me masser les épaules et je me suis souvenue que j’avais un corps, moi qui ne vivais plus que dans ma tête depuis un moment. Une femme âgée est passée dans la rue et j’ai pensé qu’il y avait un âge où on ne nous touchait plus…  parce que la vie nous l’imposait mais aussi parce qu’on préférait cela au risque du chagrin.

Alice est une solitaire. Un peu comme toi ?

Je ne suis pas une solitaire. Je suis entourée d’amis et de vie, je suis très proche de mes enfants. Mais l’écriture m’a souvent isolée, la vie aussi. J’ai écrit ce livre dans un pays dans lequel je m’installais, où je ne connaissais personne. J’ai vécu sans amour aussi, souvent de longues périodes, disons que la solitude ne m’effraie pas, je m’entends bien avec moi-même, mais elle n’est pas ma nature.

Que recherche en définitive Alice ?

Elle ne recherche rien. Et c’est ce qui fait que la vie peut la bousculer. La surprise de ce massage et de cette émotion arrive parce qu’elle est persuadée que plus rien ne peut lui arriver.

Que penses-tu de cette période avant que l’un ou l’autre se déclare ?

Elle est sans doute la plus belle de l’amour. Dans notre imaginaire, on s’accorde parfois un amour qui n’existe jamais dans la réalité. Plus on vieillit, moins on a peur de faire durer cet « avant ».

’’Il faut à la plupart des hommes un sentiment de supériorité pour pouvoir désirer’’. Une sentence définitive ?

Pour ma génération, oui, même s’il n’y a aucun systématisme. Je déteste penser l’humanité en bloc. Disons qu’ils ont été bercés avec cette imagerie, cette vision de la femme et du désir. Mais cela évolue, bien sûr.

« Nous sommes tous un peu perdus »

Comment ressens-tu les relations homme-femme aujourd’hui ?

Nous sommes tous un peu perdus. Mais malgré tout, on continue à croire en l’amour, alors tant qu’il y aura des êtres humains, on trouvera des façons de le vivre.

Le temps et le quotidien ne sont-ils pas l’ennemi d’une relation amoureuse?

Vaste sujet. Je pense que le seul ennemi c’est l’absence de projections communes. Si on rêve ensemble d’un voyage dans une année, alors le temps devient un allié… Il faut des ponts entre les rêves pour continuer à aimer.

Aujourd’hui qu’attends-tu de l’amour ?

Que quelqu’un voit mon âme nue et m’aime pour ça.

Quel est ton rapport au corps ?

Je suis une bonne vivante, j’aime manger, danser mais pour aimer faire l’amour il faut se sentir joliment regardé et c’est très difficile de trouver cela.

L’amour évolue avec le temps. Le sexe est-il aussi important à 40 ans qu’à 20 ans ?

Bien plus je pense. Il y a ce sentiment qu’il faut en profiter car le temps passe. Mais il faut plus de temps et de confiance pour accorder cela. On est moins naïf mais plus fragile.

Ce livre est dédié à Véronique, ta maman. Quelle relation entretenez-vous ?

Une relation douce et pleine d’admiration mutuelle mais avec des limites que j’ai construite plus qu’elle. Je veux qu’elle reste ma maman, je ne veux pas qu’elle soit ma copine.

Amanda, es-tu toujours une incorrigible romantique ?

Je pense que mon amoureux répondrait oui avec un soupir exaspéré mais un sourire joyeux.

Propos recueillis par Pascal Hébert.