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Ils se sont tant aimés, de Tahar Ben Jelloun

Publié le  Par Pascal Hébert

Crédit image © Francesca Mantonvani


Il y a deux ans, Tahar Ben Jelloun nous avait laissés avec "Les amants de Casablanca". Le romancier nous parlait d’amour avec Lamia et Nabile dans un Maroc vivant avec son temps entre les traditions et la modernité frappant aux portes des familles de la classe la plus aisée du pays. Celle qui a pu s’émanciper grâce aux études supérieures et à des métiers pouvant rapporter gros. Si l’amour est au centre de ce roman, c’est bien de passion dont il est question entre les deux héros qui finissent par se quitter. Aveuglée par cette passion dans laquelle elle découvre toute l’étendue de sa sensualité et de la jouissance de son corps, Lamia perd pied. Après avoir connu l’ivresse de l’amour physique, elle n’est pas prête à retrouver le désert du mariage.

Encouragé par Bernard Pivot à écrire une suite à ce roman, Tahar Ben Jelloun a répondu à l’invitation de son ancien président du prix Goncourt. Et c’est avec un certain plaisir que l’on retrouve Lamia et Nabile dans "Ils se sont tant aimés". Les années ont passé. Nabile s’est marié avec sa secrétaire et Lamia a fini elle aussi par se remarier. Mais l’un comme l‘autre ne sont pas vraiment heureux en ménage. D’ailleurs, ils ne se sont jamais éloignés et n’ont jamais été aussi proches qu’au moment du décès du mari de Lamia.
Au fil du temps, Nabile et Lamia réapprennent à se découvrir. Autrement. La jeunesse s’est enfuie et la vie aussi. Lamia, assagie, cherche le réconfort de son ex mari et cet amour perdu dans un mariage où tout était pourtant possible. Les enfants, de leur côté, ont fait leur chemin et ne sont plus dépendants de leurs parents. Si Lamia a laissé ses affaires professionnelles à sa fille, Nabile continue d’exercer son métier de médecin des pauvres.


Véritable photographie d’un Maroc écartelé entre la religion et le désir de s’en extraire, le roman de Tahar Ben Jelloun n’hésite pas à mettre en exergue toute l’hypocrisie qui règne dans ce pays où l’apparence est primordiale. Et tant pis si l’on s’écarte du droit chemin. Le plus important est de rester discret pour éviter le scandale et le déshonneur. Car le prix Goncourt met le sexe et le désir masculin et féminin au cœur de son récit. Cette fois-ci, c’est l’appétence sexuelle de ces deux héros plus très jeunes qui est bien mise en avant et sans tabou. Comme la maladie de Lamia apportant une certaine gravité au récit du romancier. N’écartant aucun souci de santé frappant à la porte de ceux qui avancent en âge, Tahar Ben Jelloun passe au scanner notre triste condition humaine. Si la vie est si fragile, le bonheur que l’on touche parfois du bout des doigts l’est tout autant.
 

Laissons à Tahar Ben Jelloun le mot de la fin avec cette jolie phrase : « Il faut de temps en temps verser de la tendresse dans les veines de l’amitié et de l’amour. »


Pascal Hébert
 

"Ils se sont tant aimés", de Tahar Ben Jelloun. Éditions Gallimard. 304 pages. 21 €.