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Présidentielle : le projet de Marine Le Pen n’est pas social.

Publié le  Par Jennifer Declémy

Crédit image © AFP/Damien Meyer


Marine Le Pen est-elle la candidate des travailleurs comme elle prétend tout le temps ? Un examen approfondi de son programme permet de mettre en exergue le manque de prise en comptes des français les plus pauvres dans un programme essentiellement en faveur des entreprises.

 

Elle se dit défenseure de la classe populaire et des intérêts des français les plus pauvres et vivant dans les conditions les plus précaires, mais un examen approfondi de son programme montre qu’en réalité, les mesures qu’elles préconisent sont beaucoup plus favorables aux classes les plus aisées qu’aux couches populaires de la société qui, en réalité, ne retireraient aucun bénéfice économique ou social de son élection à la présidence de la république.

Son père pendant trente ans avait affiché une orientation politique profondément libérale, se calquant sur le reaganisme, dont Jean-Marie Le Pen était un fervent admirateur, mais aujourd’hui sa fille revendique une fibre sociale bien plus forte, et préconise notamment un fort étatisme, un interventionnisme dans beaucoup plus de sphères économiques que ça n’est le cas aujourd’hui. Pour autant, en ce qui concerne une amélioration de la vie quotidienne des français les plus pauvres, il n’existe aucune mesure dans son programme qui remédie à cette situation.

 

Premier exemple, elle est contre une augmentation du SMIC dont elle juge que ça ne serait qu’une « mesurette ». Objection à cet argument : le SMIC actuellement est à environ 1 070 euros net. Dans le contexte actuel, avec la hausse des prix constante, le prix de l’éducation et de la santé, comment une personne peut-elle prétendre survivre avec un tel salaire ? Comment peut-on objectivement prétendre qu’aujourd’hui en France il est possible de survivre avec 1 070 euros, d’autant plus quand on sait que le seuil de pauvreté en France se situe à environ 950 euros ?

Marine Le Pen répondra à cette argument que son programme propose d’augmenter les salaires de 200 euros net de chaque salarié touchant jusqu’à 1,4 fois plus que le smic (environ 1 500 euros), ce qui représente une part non négligeable de la société française. Cependant, l’augmentation n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air : d’abord, elle se traduira non pas par une augmentation sur les fiches de paie mais par une baisse des charges salariales des entreprises, qui seront donc payées par l’état. Est-ce que les entreprises seront obligées d’augmenter systématiquement leurs employés ? Non, ce sera selon leur bon vouloir.

Deuxième problème : une telle mesure coûte extrêmement cher, et Marine Le Pen propose donc de le financer par une taxe de 3% sur les produits importés. Autrement dit, la TVA sur les produits importés augmentera et on n’a ici rien de moins qu’une TVA sociale déguisée. Le Front National aura fort à faire pour convaincre que cette mesure est bel et bien sociale et profitable aux classes populaires qui vont en réalité voir les charges des entreprises baissées, leurs salaires au même niveau, mais avec une augmentation de la TVA qui mettra encore plus à mal leur pouvoir d’achat.

De plus, Marine Le Pen est opposée à un plafonnement du salaire des patrons (ça ne la dérange donc pas de voir des patrons toucher des millions et leurs salariés seulement le smic) et à une taxation des plus riches (sa réaction contre la proposition de François Hollande et ses 75% l’a amplement prouvé). Hostile aux 35heures elle souhaite, à l’instar d’un Nicolas Sarkozy qui n’oserait dire son nom, autoriser la négociation par branches.

Sur les retraites ensuite, le parti d’extrême-droite promet un retour à 40 années d’annuités et un retour progressif à l’âge de 60 ans. Selon quelles modalités et quel financement par contre on ne sait pas. Au fur et à mesure de ses interventions elle change d’avis (comme François Hollande certes mais il n’est pas l’accusé ici).

Enfin elle est opposée au blocage des loyers, à l’action des syndicats qui sont quand même un des relais principaux entre les ouvriers et les patrons et dont les luttes sont souvent le seul moyen d’obtenir des avancées, et elle veut supprimer l’ISF, ce qu’on n’avait pas vu en France depuis le retour de la droite en 1986. Son programme apparait en réalité plus favorable aux patrons qu’aux ouvriers, et d’ailleurs, il est intéressant de constater que certains mots comme « ouvrier », « logement », « grève », « syndicats », « lutte », « contestations », « licenciements » ou « résister » ne figurent pas dans ses discours, ou alors pour le mot « ouvrier » seulement deux, trois fois.

 

De manière générale, le programme du Front National, en se consacrant essentiellement à la sortie de l’euro et l’arrêt de l’immigration ne se préoccupe pas de la défense des travailleurs et des huit millions de pauvres en France. De plus, en mettant en place la « préférence nationale », Marine Le Pen porte préjudice aux 3,5 millions d’immigrés en France, qui ne sont pas tous au chômage très loin de là. En réservant d’abord les logements et les emplois aux immigrés, ou aux français d’origine immigrée, elle relègue toute une partie de la population dans la précarité et les menace sur le plan économique et social. Or, une personne au chômage par définition coûte beaucoup cher à l’état, pas seulement parce que cela coûte des allocations chômage, mais parce que ça ne cotise pas, ça ne paie pas d’impôt et forcément ça consomme moins. La définir comme la « candidate des ouvriers » est un contresens total et son programme présidentiel ne contient aucune avancée sociale pour les couches les plus défavorisées. Et les médias, en la présentant comme telle, faillissent à leur devoir de journaliste : la candidate des ouvriers, ce n’est pas Marine Le Pen, c’est l’abstention.