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Présidentielle : François Hollande, ce social-démocrate.

Publié le  Par Jennifer Declémy

Crédit image © AFP/Fred Dufour


Alors que Jean-Luc Mélenchon grimpe dans les sondages, beaucoup s'interrogent sur la compatibilité entre le Front de Gauche et le Parti Socialiste. Mais c'est oublier que les deux candidats représentent des gauches diamétralement opposées.

 

Quelles différences existent-ils entre le socialiste François Hollande et le candidat du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon ? Tous deux ont milité dans le même parti pendant près de trente ans, tous deux ont fait leurs classes politiques sous François Mitterrand, avant de s’allier, chacun à sa manière, à un Lionel Jospin qui fit figure de « mentor » pour les deux. Pourtant aujourd’hui, un simple coup d’œil à leurs programmes montre des divergences fondamentales qu’il sera difficile de négocier dans l’entre-deux-tours.

Jean-Luc Mélenchon représente aujourd’hui en partie les communistes (mais pas seulement), mais François Hollande ne représente pas pour autant le socialisme historique, bien au contraire. Il est une sorte d’incarnation de cette social-démocratie qui fleurit au début des années 2000, sous l’égide de Tony Blair, Gerard Schröeder ou…Lionel Jospin. Il présente un programme de gauche, mais qui n’occulte pas la crise, qui prend en compte l’impératif de rigueur et entend y résoudre. Une sorte de mai 1981 à l’envers en quelque sorte.

Un proche du candidat le confiait fin janvier : « on ne peut plus comme avant lancer des engagements budgétaires contredits ensuite par les marchés ». Autrement dit plus question d’aligner les promesses sociales et d’être rattrapé par la réalité une fois arrivé au pouvoir comme ce fut le cas sous François Mitterrand. C’est le signe indubitable que les socialistes ont enfin acquis la culture de gouvernement, une sorte de légitimité du pouvoir, et que la  volonté de faire la révolution n’est plus leur apanage. Le programme commun, 1981 et la menace des chars soviétiques sur les champs Elysées, c’est bel et bien terminé.

En réalité, François Hollande est l’héritier d’un Jacques Delors, d’un Michel Rocard ou d’un Pierre Mendès-France, ces hommes de gauche érudits d’économie et qui se targuaient avant tout d’être des réalistes. Idem pour le candidat actuel qui ne fait que des promesses prudentes, et s’affiche avec un programme qui n’enthousiasme pas les foules : hausse des prélèvements obligatoires, place plus importante accordée aux acteurs sociaux, pilotage de la politique industrielle, restauration des services publics et contrainte budgétaire pesant sur chaque domaine de l’action publique. « Je ne promets que ce que je suis capable de tenir, pas moins, pas plus. Tout ce qui est dit ici sera fait (…) dans le quinquennat » répète souvent le député de Corrèze qui se montre très prudent depuis le début de sa campagne, trop même pour ses proches.

Conjuguer les exigences de la gauche avec le réalisme budgétaire, tel est la contrainte à laquelle doit répondre le candidat, et il le fait par exemple avec les impôts, en créant une tranche supplémentaire qui rétablira de la progressivité dans l’impôt, ce qui établira davantage de justice, mais les milliards dégagés seront destinés à la résorption du déficit. Justice et rigueur mélangés, tel est le cocktail actuel de la social-démocratie.

Le Front de Gauche au contraire ne veut pas entendre parler de rigueur, mot honni par les dirigeants et les militants qui réclament que l'addition de la crise soit réglée par les patrons et les plus riches. Si sur certains points les deux partis se retrouvent, comme la progressivité de l'impôt ou la justice fiscale et sociale, le Front de Gauche arbore un radicalisme qui fait peur à la sociale-démocratie, soucieuse de respectabilité. Mais le Front de Gauche n'est pas simplement un approfondissement du discours de François Hollande : il est une autre façon d'aborder la société, en se reposant sur le paradigme de la lutte des classes, paradigme qui a disparu des oeillères socialistes dont le candidat aujourd'hui se plait à présenter une vision réconciliée de la France, et qui ne veut surtout pas dresser une classe contre une autre (et ce malgré la mesure gadget des 75%).

Le début du quinquennat de François Hollande sera d'ailleurs essentiellement consacré à la réduction des déficits, par le lancement de plusieurs réformes structurelles (fiscalité, décentralisation,  industrie etc) et ce ne sera qu’à partir du moment où les finances publiques se porteront mieux que le socialiste se lancera dans une politique redistributive. Un plan de bataille qui ne plait pas à la gauche de la gauche qui rêve encore de renverser la table et de mettre en place un autre système. Mais François Hollande n’est pas François Mitterrand, malgré ce qu’il aimerait faire croire, et la réalité est que, aujourd’hui en France, il existe deux gauches : la social-démocratie qui se fond dans le moule de l’état, accepte les contraintes extérieures mais essaie de leur insuffler de la justice et plus d’équité, et une gauche « historique » qui veut encore croire au changement par la lutte et qui veut renverser le système actuel pour fonder un nouveau modèle de société. Deux gauches complètement différentes, et la question qui se posera entre les deux tours, en cas de score élevé de Jean-Luc Mélenchon, sera sans doute la suivante : dans quelle mesure ces deux gauches peuvent s’accommoder, se supporter pour ne pas s’entre-déchirer ?