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Le paradoxe François Bayrou

Publié le  Par Julie Catroux

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Portrait du candidat du Modem, François Bayrou.

 

Pour sa troisième campagne présidentielle, François Bayrou, 60 ans, ambitieux et obstiné, veut croire en ses chances d'apparaître pour les Français comme l'homme du recours face à Nicolas Sarkozy, « l'homme de la division », et François Hollande « l'homme de l'illusion ». Quatrième à l’élection présidentielle de 2002 avec 6,84% des voix, troisième en 2007 avec 18,57%, l'ancien patron de l'UDF, centriste et pro-européen applique la méthode Coué et fait sienne la devise du fronton du château d’Henri IV, béarnais comme lui: « ce qui doit arriver ne peut manquer ». Malgré les sondages qui le placent en cinquième position, François Bayrou y croit. Encore et toujours. Affirmant « croire en son étoile ». Alors que certains y voient une preuve de détermination d’autres y aperçoient son orgueil. « Tout petit déjà, il avait une seule ambition, être président de la République » témoignent des camarades de jeunesse.  Pourtant, le Béarnais a des qualités indéniables : la ténacité et le courage. La première, il l’a démontre jeune lorsqu’il surmonte son bégaiement. La seconde, éclate le 23 février 2002 à Toulouse. A quelques semaines de l’élection présidentielle, lors d’une réunion de soutien à Jacques Chirac, le RPR et une partie des centristes assurent leurs votes au futur président de la République. Scandalisé par le comportement de quelques centristes, il s’avança et devant 7000 personnes il s’exclama : « Quand on pense tous la même chose, on ne pense plus rien ». Ses détracteurs l'accusent de mettre son parti au service de son ambition personnelle alors que sa directrice de campagne, Marielle de Sarnez fustige qu’il est « un idéaliste réaliste » avant d’ajouter « il est intègre, rassembleur humain et exigeant ».

 

Issu d’une famille de petits exploitants agricoles dans les Pyrénées-Atlantiques, il hérite de ses parents un esprit civique, le sens de  la solidarité et une véritable curiosité pour la politique. Ses racines paysannes et catholiques, il se plait à les revendiquer : « je me suis retrouvé avec ma mère à la tête d'une petite exploitation agricole (à 23ans, son père meurt). Il y avait 17 vaches dont il fallait s'occuper. Je sais ce que c'est de faire naître des veaux, de semer, de faner. Je suis dans le monde politique, le seul qui ait, non seulement des racines mais une vie dans le monde agricole ». Ces précisions sur sa vie prêtent à sourire mais François Bayrou sait d’où il vient et ne renie pas ses origines modestes. Agrégé de lettres classiques après des études à l’université de Bordeaux il débute sa carrière politique dans le département qui l’a vu naitre. Elu conseiller général en 1982, il devient ensuite député en 1986 sous l’étiquette UDF. L’homme politique grandit et atteint en 1993 le ministère de l’éducation nationale. Proche de Raymond Barre, François Bayrou profite de l’ouverture d’Edouard Balladur et de son désir de mettre en place un gouvernement de cohabitation. Président de l’UDF en 1998, il prend aussitôt position pour une ligne politique autonome, distincte du RPR. Persuadé qu’il est appelé à jouer un rôle politique de premier plan, le leader centriste brigue pour la première fois l’Elysée.

 

En  2007 il a « l’envie de celui qui s’est vu mourir » observe Alain Lambert, l’ancien ministre du budget de Jean-Pierre Raffarin, qui l’a rejoint pour cette campagne. Alors oui, il y a cinq ans, celui qui était devenu le troisième homme avait fait une percée fulgurante. Mais aujourd’hui, tout a changé. Après la création du Modem au lendemain de l’élection présidentielle de 2007, il a perdu de nombreux fidèles partis vers le Nouveau Centre, même s’il a toujours voulu penser que le « lien avec les français » ne pourrait jamais se briser. Cette envie d’indépendance et son positionnement anti-Sarkozy l’ont amené vers une longue traversée du désert.   

 

Cinq années plus tard, François Bayrou pointe le bout de son nez et ne rêve que d’une seule chose : remplacer Nicolas Sarkozy à la tête de l’Etat. Un ancien camarade centriste ironise : « Tous les cinq ans, il se fait pendant cinq mois son festival de Cannes. Il se moque du pouvoir. Candidat, c'est son meilleur rôle ». Fort d’une détermination à toute épreuve, le Président du Modem tente pour la troisième fois consécutive de conquérir le graal. Tentant de rééditer son exploit de 2007, il part avec un élément de poids : avoir eu « raison avant les autres » sur le dette et les déficits, l’un des principaux thèmes de sa campagne précédente. « Les gouvernements des dernières années, de gauche et de droite, ont une immense part de responsabilité dans la crise qui secoue la France » appelant ainsi les Français à tirer le « bilan d’un tel échec » et à « ouvrir une nouvelle page de leur histoire ». Selon François Bayrou, un Etat ne peut être gouverné que par une majorité centrale.  

 

Au moment même où les analystes prédisaient une élection qui renforcerait la bipolarisation droite-gauche, avec le Front National en embuscade, le candidat observe les pays comme la Grèce ou l’Italie, dans lesquels ont été mis en place des gouvernements d’union nationale et croit en cette « majorité centrale » pour la France. Fi la candidature d’Hervé Morin, fondateur du Nouveau Centre, qui lui a peu ou prou enlevé ses collaborateurs. « Il s’étonne de son propre talent » explique Jean-Louis Bourlanges, le président de la Fondation du centre qui l’a quitté en 2007. A l’approche du second tour, François Bayrou n’a pas encore donné de consigne de vote. Tandis qu’Hervé Morin appelle à un rassemblement du centre pour ne « pas faire la même erreur qu’il y a cinq ans », le centriste ne sait sur quel pied danser. Selon le président du Nouveau centre, « il est proche humainement de François Hollande mais je sais qu’il n’a rien en commun avec l’homme qui prône de poursuivre dans l’erreur de l’augmentation de la dépense publique de la hausse d’impôts car sur ces questions il est proche de la majorité. Il ne doit pas se tromper et appeler à voter UMP». Le Béarnais ne donnant pas de consigne de ralliement et martèle qu’il ne « veut pas un second tour Sarkozy-Hollande » et souhaite « un 21 avril 2002 » avec à la place de Jean-Marie Le Pen, lui-même.

 

 

A l’heure des spéculations, Hervé Morin appelle à voter Nicolas Sarkozy au second tour, Jean-Luc Bennahmias, vice-président du Modem annonce qu’il se ralliera à François Hollande mais la décision de François Bayrou se fait attendre.  Que deviendra t-il après l’élection présidentielle ? Si son meilleur rôle est celui de candidat, pourra t-il encore se présenter en  2017 et en aura t-il la force ?