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Présidentielle : le chantage démocratique de Marine Le Pen.

Publié le  Par Jennifer Declémy

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Avec la polémique sur les 500 parrainages, et la remise en cause de cette règle par Marine Le Pen, cette dernière a réussi un coup de maitre, sur un terrain où on ne l'attendait pas.

L’expression est de Caroline Fourest, connue pour son essai à charge contre l’héritière de Montretout, et exprime parfaitement la situation actuelle, ainsi que le paradoxe politique énorme dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui. Le constat est simple : alors qu’il y a 10 ans, les plaintes de Jean-Marie Le Pen selon lesquels il n’arrivait pas à trouver les 500 précieux parrainages n’atteignaient absolument personne et se perdaient dans une indifférence complète et totale, aujourd’hui, quand sa fille évoque la même menace pour elle, tous les candidats et responsables politiques se bousculent au portillon pour dénoncer la menace pour la démocratie que représenterait l’absence de Marine Le Pen à ce scrutin. Comment en est-on arrivé là ?

Alors certes, la candidate d’extrême-droite a des intentions de vote plus élevées, et qu’elle « représente » donc davantage de français que son père. Mais ce dernier avait eu 15% de voix en 1995 et était crédité d’au moins 10% avant le premier tour de 2002. Doit-on dire que 10% des français non représentés on s’en fout, mais 15 ou 20, là par contre c’est grave ? Faut-il instaurer un seuil d’intentions de vote pour décréter que l’absence de tel candidat est une menace démocratique ? A partir de combien de pourcentages un candida devient important ?

Première absurdité qui n’est pas la première du genre, mais qui montre bien à quel point le système, avec l’arrivée de la fille Le Pen, a banalisé le Front National, l’a normalisé et intégré dans ses normes politiques. Mais ce que ça montre aussi et surtout, c’est que la véhémence exprimée par la candidate du FN, ses cris, ses invectives et ses menaces, qui n’ont pas peur du ridicule quand elle affirme que ce serait un scandale mondial, marchent désormais sur la classe politique et journalistique qui se plie en quatre et acquiesce. Une victoire symbolique pour le Front National, du jamais vu dans l’histoire de la Cinquième République.

Que la règle soit bonne ou mauvaise n’a absolument aucune importance. Tout ce qui compte ici c’est que cette polémique sur les 500 parrainages montre que le FN est devenu, pour ceux qui nous dirigent, une partie intégrante de notre système politique, et que surtout, Marine Le Pen est capable d’imposer ses volontés, de prouver qu’elle a raison quand le reste des candidats tombe d’accord avec elle. Et quand le Conseil d’Etat approuve sa requête de QPC et la transmet au Conseil Constitutionnel, c’est une autre victoire symbolique et inédite qui survient. D’habitude, les tribunaux condamnent les Le Pen, ou du moins rejettent leurs requêtes. Aujourd’hui, ils valident ses thèses et se rangent de leur côté. On croit rêver.

Et au milieu de cet acquiescement général aux exigences marinistes, on oublie de dire que si jamais l’héritière de Montretout n’a pas les précieuses signatures, c’est uniquement à cause d’elle et rien d’autre. Son père lui avait montré l’exemple, lui avait montré que la quête des signatures, pour un parti aussi sulfureux que le sien était difficile et ardue, et qu’il fallait donc s’y prêter très tôt, redoubler d’efforts et disposer d’une équipe chevronnée capable de répondre à ce défi. Seulement, grisée par les sondages et les médias qui en font leur nouvelle coqueluche, Marine Le Pen a escompté sur ses fortes intentions de vote pour recueillir les parrainages, sans songer une seule seconde que sondages hauts n’équivalaient pas une approbation politique par des élus souvent non apparentés, et qui ne veulent surtout pas faire croire qu’ils adhèrent à de telles idées. Elle s’est comportée comme l’héritière qu’elle est, et quand la situation s’est tendue, elle a tout simplement réclamé, jusqu’à ce que tout le monde décide de prendre son parti et lui donner un coup de pouce.

Un chantage démocratique. C’est ce à quoi on assiste actuellement, c’est un détournement de règles politiques élémentaires au profit d’une ambition personnelle qui tourne et détourne le système pour son propre bien. C’est effrayant.