Accueil |  Qui sommes-nous |  Contact


Très chères folies olympiques !

Publié le  Par Patrick Béguier

Crédit image ©


Pékin vient de remporter les JO d'hiver 2022. Une aberration ! Mais le CIO, comme la FIFA du reste, n'en est pas à une absurdité près tant au plan sportif que financier. Petit tour d'horizon du grand n'importe quoi !

    Même si l'on ose mettre de côté la question des droits de l'homme, l'attribution à Pékin des Jeux olympiques d'hiver de 2022 est une nouvelle stupéfiante. La capitale chinoise, une des championnes du monde… de la pollution atmosphérique, dispose certes d'un immense stade pour accueillir les cérémonies d'ouverture et de fermeture ainsi que d'un village olympique hérité des JO d'été de 2008, mais une fois les skis sur l'épaule, les compétiteurs devront avaler environ 200 kilomètres pour se rendre dans le nord, à Yanqing, et dévaler des pentes de neige… artificielle. Problème : l'eau manque cruellement dans cette région et le gouvernement a dû imaginer un système de canaux et de barrages, à la manière chinoise, pour résoudre en partie le problème. Tout est parfait, donc ! Et puis, ce ne sera pas coûteux : 1,5 milliard de dollars en coûts directs seulement. Et puis, il y aura d'importantes retombées économiques, touristiques, etc.    La chanson commence à être connue : à la finale, cher pays organisateur, vous serez gagnant ! Ce refrain-là, mieux vaut ne pas le reprendre en Grèce. Les JO d'Athènes de 2004 ont coûté 9 milliards d'euros, soit 5%, disent les spécialistes, des richesses produites par le pays cette année-là. De quoi plomber les finances publiques. Nul besoin de s'étendre sur les conséquences actuelles de cette folie financière ! Quant aux amateurs de sport olympique, on peut leur proposer un petit circuit touristique pour qu'ils puissent découvrir les 7 sites abandonnés. Ils pourront se désespérer devant toutes les piscines délabrées, le centre de canoë-kayak en déshérence, le stade du complexe d'Hellenikon pour le softball, ceux de hockey, de base-ball devenus aussi inutiles qu'inutilisables. Pour terminer, qu'ils s'assoient dans le stade, en marbre s'il vous plaît, de Panathinaikon où se déroulaient les épreuves de tir à l'arc et où fut jugée l'arrivée du marathon. Marathon ! En Grèce !… Vous n'entendrez aucune clameur de victoire ! Peut-être, en revanche, aurez-vous la chance de croiser un mariage ou des conférenciers.   Du grand flou au mensonge   C'est pas d'jeu, va-t-on me dire ! La Grèce est un cas particulier. Hélas, si les bilans finaux, sportif et financier, ne sont pas toujours aussi catastrophiques, il y a de grands doutes sur les soi-disant bénéfices atteints. En Angleterre, les experts se battent sur le chiffrage des retombées économiques des JO de Londres de 2012. Elles ont été de 9,9 milliards de livres pour 8,9 milliards de dépenses engagées par le gouvernement, a assuré David Cameron en 2013. Cela ne devait pas être assez : les 9,9 Mds sont devenus quelque temps après 13 Mds. Autrement dit, on est dans un flou qui ne peut que susciter le scepticisme.  Parlez-en à Montréal qui a organisé les Jeux en 1976. La ville a remboursé ses dernières dettes "olympiques" en… 2006. Les fameuses retombées ne sont pas toujours celles que l'on espère…   Il y a plus grave : le mensonge par omission ! Le CIO a fait le bilan des Jeux d'hiver de Sotchi de 2014. Sa direction de la communication assure que la ville a réalisé un bénéfice de 47,5 millions d'euros. Mais elle ne prend en compte que les dépenses d'organisation des compétitions, celles des cérémonies d'ouverture et de fermeture, celles liées au transport des sportifs, à la gestion du centre de presse… Exit les dépenses d'infrastructure : installations sportives, voies d'accès, logement, etc. Que retrouve-t-on aujourd'hui à Sotchi ? Comme en Grèce, des réalisations qui ne serviront plus à rien ou presque, exception faite de la patinoire. Bref : malgré un coût astronomique (37 milliards d'euros !), la région se retrouve, comme la cigale de la fable, fort dépourvue pour toutes les bises à venir. Il lui restera… l'été, sa station balnéaire et ses eaux minérales. Pour l'aider, Vladimir Poutine a autorisé l'installation de casinos afin d'attirer touristes et capitaux. Ouf ! Sotchi ne sera pas une ville fantôme comme beaucoup d'observateurs le craignaient.   Stupeur et tremblements   Des sueurs froides, il y en aura d'autres. Que va-t-il se passer au Brésil pour les JO d'été de 2016 ? On sait déjà que les retards s'accumulent, que les eaux de Rio, trop polluées, menacent la santé des athlètes, que persistent de gros problèmes de sécurité… Si, par la grâce des Jeux, la population bénéficie de réels progrès dans ses modes de transport, son hygiène et sa qualité de vie, on pourra applaudir. Mais les Brésiliens resteront méfiants jusqu'au bout. Personne n'oublie les manifestations de colère qui ont marqué l'avant Coupe du monde de football en 2014. Des milliards, là aussi, ont été dépensés pour rien ou presque. Exemple le plus souvent cité : le stade de 70 000 places construit à Brasilia. C'est le plus cher au monde : 800 millions d'euros ! Il faudrait mille ans pour le rembourser, s'amuse un économiste. À Salvador de Bahia, à Curitiba, le constat est aussi affligeant. Que faire de toutes ces coûteuses réalisations ?   Shinzo Abe, le Premier ministre japonais, lui aussi, commence à s'angoisser. Il vient d'ordonner une révision complète du projet de stade olympique pour les JO de Tokyo de 2020. Coût estimé : 2 milliards d'euros ! Comme il se pose des questions sur d'autres réalisations, il a demandé tout simplement qu'on "reparte à zéro"… La peur encore ! "No Olympic Games". On a vu ces pancartes brandies outre-Atlantique. Une majorité de citoyens de Boston ne veulent pas des JO d'été de 2024. Le Comité olympique des Etats-Unis (USOC) a annoncé le 27 juillet que la ville renonçait à se porter candidate. Le maire de Boston, Marty Walsh, a été clair : il craint pour les finances de sa ville.   Paris se jette à l'eau ?   Et Paris qui est toujours candidate à l'organisation de ces jeux ? Anne Hidalgo a hésité. On l'a rassurée : la capitale française sera exemplaire. Son budget prévisionnel de 6 milliards d'euros traduit une réelle "sobriété financière". Le projet "s'appuie sur les infrastructures existantes ou à venir avec le développement du Grand Paris dans le domaine des transports", plaide-t-on. Tout est fait pour séduire. La maire de Paris a déclaré que l'épreuve de triathlon se déroulerait dans la Seine. Autrement dit, la baignade, interdite depuis 1923, serait ipso facto autorisée après les Jeux (lire les articles de Laurent Pradal des 23 juin et 9 juillet 2015). Cet affichage convaincra-t-il les Parisiens ? Anne Hidalgo a indiqué qu'ils seront consultés en 2016 sans préciser, du reste, la forme de cette consultation.   Il est grand temps, en tout cas, de mettre fin aux gâchis sportifs et financiers qu'entraînent les rêves de prestige des uns, de médailles des autres. Le sport mondial est dopé à l'orgueil quand ses champions ne sont pas dopés tout court ! La chaîne allemande ARD et le Sunday Times viennent de nous révéler un énorme scandale de dopage dans l'athlétisme. C'est là que les instances internationales doivent agir tout en remettant à plat le modèle actuel des rendez-vous mondiaux du sport.   Patrick Béguier est journaliste politique, écrivain et sportif quand même !