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Grève SNCM : la Corse paralysée, dépôt de bilan en approche

Publié le  Par Raphaël Didio

Crédit image © Flickr - Fr Maxim Massalitin


Débutée le 24 juin, à quelques jours de la période de vacances estivales, la grève de la SNCM paralyse la Corse. La situation commence à devenir intenable, notamment pour les hôteliers et restaurateurs de l’île qui voit leur clientèle fondre comme neige au soleil. Un dépôt de bilan pourrait faire figure de solution idoine pour régler la situation.

La grève reconductible entamée le 24 juin par les salariées de Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM), soit à quelques jours du coup d’envoi de la saison de vacances estivales, est un véritable coup de massue pour l’économie insulaire. Les hôteliers et restaurateurs corses sont ainsi pris en otage par les grévistes, qui estiment n’avoir pas d’autres choix pour attirer l’attention du gouvernement. Des annulations en série risquent ainsi de mettre à mal tout un pan de l’économie de l’Île : à Bastia, certains hôtels enregistrent des baisses de fréquentation allant de 30 à 50 %.

A Calvi, à Porto-Vecchio et dans les microrégions qui dépendent quasi-exclusivement des vacances, les professionnels se montrent particulièrement inquiets, puisque personne n’est épargné. Au Monde, César Filippi, propriétaire du Belvédère, l’un des hôtels les plus côtés de Porto-Vecchio, avoue que la situation est alarmante : « Les chiffres sont là. Au 6 juillet, deux chambres sur dix-neuf sont occupées, mon taux de réservation n'atteint pas 50 % et, en restauration, j'enregistre une baisse des deux tiers des couverts réalisés l'an passé à la même date. » 

Le dépôt de bilan comme porte de sortie ?

En Corse, on espérait bien profiter des bénéfices rapportés par la surexposition médiatique à l’occasion du départ du Tour de France 2013, mais tous s’attendent désormais à passer un été difficile, que ce soit en termes de profits ou d’image. Jean-Marc Venturi, vice-président de la chambre d’agriculture de la Haute-Corse, espère un « règlement rapide du conflit » qui permettrait le redémarrage de l’activité, mais les 15 à 20 % de pertes enregistrées par  le secteur de l’agriculture sont « d’ores et déjà irrattrapables ». Car l’agriculture corse dépend à 70 % du marché local, « et réalise les deux tiers de ses ventes sur ce marché en juillet en août ».

Fort heureusement, les négociations démarrent enfin. Dans un communiqué, l’actionnaire majoritaire Transdev (66 % des parts) a réaffirmé sa volonté de passer par un redressement judiciaire pour « bâtir un avenir stable et pérenne ». Pour le groupe de transport, la « solution passera nécessairement par une procédure judiciaire ». Une solution qui dispose du soutien de l’Etat (actionnaire à 25 %). Ce passage au tribunal de commerce permettrait d’apurer les comptes de la compagnie déficitaire et de lever l’hypothèque des lourdes condamnations européennes, centre des problèmes rencontrés sur le dossier SNCM depuis 18 mois.

Les syndicats ne veulent pas entendre parler de dépôt de bilan

Mais cette porte de sortie ne convainc guère les syndicats qui voit ce passage au tribunal comme une « disparition et un démantèlement », affirmant que les menaces de Bruxelles ne sont ni réelles, ni imminentes. « Il faudra au moins quatre ou cinq ans pour considérer un éventuel remboursement dont les montants devraient être largement minorés et ne porter que sur le contentieux de la privatisation », ont-ils fait savoir dans un courrier au Premier ministre Manuel Valls. Ils exigent ainsi d’« exclure tout scénario de discontinuité » (NDLR : de procédure judiciaire) et pour trouver de nouveaux actionnaires, ils réclament « une garantie de passif » des actionnaires après épuisement des recours à Bruxelles.

Nommé médiateur pour résoudre ce conflit, Gilles Bélier aura certainement eu fort à faire pour contenter toutes les parties ce lundi après-midi à Marseille lors d’une réunion à la préfecture. Pour Yann Pantel au Point, représentant CGT, qui a confirmé la reconduction de la grève pour 24 heures supplémentaires, il n’y aura pas de reprise « tant qu’il n’y aura pas de garantie qu’il n’y aura pas tribunal de commerce. C’est un minimum, et après, on veut bien parler de tout ». « On ne va pas faire la saison tranquillement pour se faire manger à la rentrée », s’est-il justifié, rappelant par ailleurs que les marins ont déjà conduit 47 jours de grève par le passé. « Sans casse ».

Situation tendue à Marseille et en Corse

Car sur le port de Marseille et en Corse, la situation devient explosive. Sur le port de la cité phocéenne, le Kalliste, bateau de la Méridionale, seule autre compagnie assurant la liaison Corse-Marseille, était encore bloqué par des grévistes. La plupart des bateaux de croisière assurant une manne financière à la ville continuent quant à eux à se dérouter vers d’autres ports méditerranéens. Sur l’Ile de Beauté, plusieurs centaines de représentants du monde économique s’étaient rassemblés lundi matin devant la préfecture de Bastia après une évacuation musclée de la préfecture vendredi.

Quant aux organisations socio-professionnelles de Corse (syndicats patronaux, CCI, transporteurs, agriculteurs), ce mouvement de grève les pénalise fortement. Ils dénoncent le blocage du Kalliste, car si le flux de passagers est susceptible d’être absorbé par les compagnies concurrentes, ce n’est pas le cas du fret. Jean-Marie Maurizi, le patron du syndicat de Transporteurs Corse, fait savoir notamment que le passage des remorques par Toulon crée un surcoût en carburant mais aussi en heures supplémentaires pour les chauffeurs.