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Cultures OGM : un débat d'ordre religieux ?

Publié le  Par Un Contributeur

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Le monde politique s'agite de nouveau sur le problème des cultures OGM. D'où cette vive réaction de l'un des meilleurs spécialistes français de l'agroalimentaire. Les débats sont "davantage d'ordre religieux que d'ordre scientifique", assure-t-il. Par Bruno Parmentier

          Malgré le rejet lundi soir par le Sénat d'une proposition de loi interdisant la culture du maïs OGM, le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, a annoncé mardi qu'il allait revenir à la charge. Et ce après la volonté exprimée à Bruxelles par Stéphane Le Foll, le ministre de l'Agriculture, de renationaliser les procédures d'autorisation des cultures transgéniques arbitrées aujourd'hui au niveau européen. Voici donc l'opinion de Bruno Parmentier, qui se trouve actuellement en Argentine, pays où l'opinion publique "accepte fort bien les OGM", nous précise-t-il :   Je constate qu'en France, le lobby anti-OGM est décidément beaucoup plus puissant que le lobby OGM... Et que les débats y sont davantage "d'ordre religieux" que d'ordre scientifique ; donc que c'est difficile d'y débattre sereinement. On y met en scène la lutte du "Bien" contre le "Mal", on y parle "des" OGM et non pas de tel ou tel OGM, et on croit fermement que la "Mère Nature" qui nous veut du bien, nous punira si on commet ce sacrilège. Ce qui d'ailleurs n'empêche nullement les importations massives de soja, maïs et coton OGM ! Mais le débat serein est donc, dans ces conditions, presque impossible.   Si les anti-OGM perdent la main en Europe, il me semble logique qu'un gouvernement très minoritaire en France, particulièrement chez les paysans, et à la veille d'élections européennes où les anti-européens vont tenir le haut du pavé, cherche à sauver les meubles avant le Salon de l'agriculture et donc fasse de telles déclarations. Créons de nouvelles barrières, si on croit pouvoir vivre indéfiniment dans notre pré carré, ou si on n'arrive plus à convaincre nos amis européens !   L'agroécologie, vite !   Le vrai problème, puisqu'on ne veut pas d'OGM, c'est de débattre de ce qu'onpropose à la place pour produire demain avec beaucoup moins de ponctions sur les ressources naturelles non renouvelables, et beaucoup moins de pollutions de toutes sortes. Bref de voir comment on met en place le plus rapidement et le plus efficacement possible une agroécologie, une agriculture "écologiquement intensive" qui puisse intensifier les processus écologiques comme avant on intensifiait les processus chimiques. Et aussi comment on arrive à produire en Europe des animaux qui ne mangent que des végétaux  européens (céréales et protéines), et des animaux de qualité, pour qu'on en mange moins mais mieux. Et enfin comment on diminue les immenses gâchis qui font qu'au moins un tiers de la production agricole est jetée. Or les résistances sont nombreuses, sur ces trois terrains... Et je crains fort que ces débats quelque peu pipés sur les OGM ne permettent de remettre à plus tard la solution de ces vraies questions.   Bruno Parmentier a été directeur général de l'ESA (Ecole supérieure d'agriculture d'Angers). Il est notamment l'auteur de "Nourrir l'humanité : Les grands problèmes de l'agriculture mondiale au XXIe siècle" (La Découverte).   NDLR : le titre et l'intertitre sont de la rédaction.