Accueil |  Qui sommes-nous |  Contact


Présidentielle : l'irrésistible ascension de Jean-Luc Mélenchon.

Publié le  Par Jennifer Declémy

Crédit image ©


PORTRAIT de Jean-Luc Mélenchon, sacré révélation de la campagne cette semaine. Pourtant, une telle trajectoire est très loin d'être surprenante, elle vient de loin.

Il suffisait qu'il dépasse la barre des 10% pour qu'enfin les médias prêtent attention à lui et se mettent à louer sa campagne, ses qualités de tribun et d'orateur. Deux petits chiffres qui amènent tous les journalistes dédaigneux et le taxant de "populiste" à soudain découvrir les vertus du Front de Gauche et à se demander, quelque peu surpris, jusqu'où il peut aller dans cette campagne présidentielle.

Quand il claque la porte du Parti Socialiste en 2008, Jean-Luc Mélenchon est connu certes, mais surtout pour avoir participé à la campagne du NON en 2005 et s'être ainsi démarqué de la ligne de son parti. Esprit frondeur et fondamentalement trublion, Jean-Luc Mélenchon ose un sacré pari en claquant la porte d'une organisation politique qui l'a accueilli dans les années 70. Plusieurs décennies que l'ancien sénateur quitte, non sans regrets.

Personne ne pariait un kopek sur son avenir mais en s'alliant aux communistes et diverses forces de gauche, le député européen a réussi un pari incroyable : unir l'extrême gauche, en faire une force politique qui pésera sur la présidentielle et les législatives, et sur la politique de François Hollande si ce dernier est élu à l'Elysée. Et plus il monte dans les sondages, plus il s'autorise les rêves les plus fous : atteindre les 15%, talonner Marine Le Pen et dépasser François Bayrou, ce troisième homme de 2007 que Mélenchon aime à qualifier de "FMI à domicile".

Son ascension dans la campagne présidentielle n'est pourtant pas surprenante. Ce qui l'est plus, c'est peut-être qu'elle s'explique par une campagne sur le terrain plus que dans les médias. Pendant longtemps les regards se sont détournés de la campagne de terrain que menait Jean-Luc Mélenchon qui avait en plus à disposition un appareil communiste très bien organisé et spécialisé dans ce genre d'actions. C'est en janvier que tout d'un coup on se rend compte que le Front de Gauche attire 10 000 personnes à ses meetings : beaucoup plus que Marine Le Pen les dimanche, à égalité de ce que peut faire Nicolas Sarkozy à Lille par exemple.

"Je suis le bruit et la fureur", aime à répéter l'ancien sénateur, qui a semble déjà avoir vécu plusieurs vies : journalistes dans le Jura, sénateur, ancien trotskiste, ministre de Lionel Jospin qu'il admire, ami et visiteur du soir de François Mitterrand pour qui sa dévotion est sans failles, trublion du PS, agitateur des médias et maintenant, candidat à la présidentielle qui a pour objectif de reconstruire l'extrême-gauche en France.

Pourfendeur du Front National qu'il veut démasquer ("percer la baudruche Le Pen", aime-t-il à dire), dont il a fait son principal ennemi, il est aussi très sévère envers François Hollande, qu'il traita naguère de "capitaine de pédalo". Mais le réduire aux qualificatifs dont il revêt le candidat socialiste ou Marine Le Pen est plus que réducteur. Jean-Luc Mélenchon n'est pas qu'un orateur trop doué qui insulte ses adversaires. Il est surtout un défenseur acharné de la laïcité, la plus pure qui soit, mais aussi d'un retour à la vraie gauche, au vrai socialisme dans la tradition de Jaurès ou Blum, et qu'il veut incarner. Il s'assigne donc comme tâche principale de remettre en quelque sorte les socialistes sur le bon chemin de la gauche, en les mettant au défi de s'allier avec le centre. Lui veut avant tout "les obliger à se gauchiser pour déplacer le centre de gravité de leur champ politique", et non pas un futur gouvernement à la "Hollandreou" car "la gauche ce n'est pas la sociale-démocratie begayante".

Mais sa relation avec François Hollande est compliquée, remplie des ambiguïtés et des rancoeurs nées lors de son passage au Parti Socialiste, quand il briguait la tête de ce parti contre François Hollande. Rivaux en 1997, ils le sont de nouveau cette année, mais liés en même temps par le même impératif de faire accèder la gauche au pouvoir. Aussi il est difficile de trouver chez le candidat socialiste des propos négatifs contre son ancien camarade, au contraire, il approuve le fait que "après avoir été dans l'affrontement avec moi, il cherche l'affrontement direct avec l'extrême-droite. Il a raison. Sa campagne est utile à la gauche quand il va chercher les électeurs qui pourraient pencher du côté de l'extrême-droite".

Dire de lui qu'il n'est que la "voiture-balai" de François Hollande, comme le dit si dédaigneusement Marine Le Pen, jamais à court d'arrogance, est aussi une erreur. Le but que poursuit le leader du Front de Gauche est aussi de permettre "la révolution citoyenne", de "réveiller le peuple", dans la lignée de ce que furent les Lumières, un de ses modèles idéologiques. Fustigeant la rigueur et l'austérité, désireux de construire une idéologie contre le capitalisme destructeur, Jean-Luc Mélenchon veut incarner la résistance, "qu'ils s'en aillent tous", crie-t-il à l'oligarchie qui nous dirige.

Admiratif devant les modèles socialistes d'Amérique latine, aux racines philosophiques profondes, à la culture éblouissante mais aux éclats de colère virulents, Jean-Luc Mélenchon est une enigme, mais aussi LA révélation de cette campagne, l'homme qui aura réussi à faire renaitre les éclats du communisme, matiné désormais d'un socialisme historique. Il est une voix qui a l'expérience du pouvoir, mais qui veut tout renverser sur la table. Un homme pétri de paradoxes et pourtant traversé d'une seule destinée politique, cette élection risque d'être un aboutissement personnel, mais aussi et surtout le début d'une nouvelle vie politique.