France Politique

Les affaires qui peuvent embarrasser François Hollande

Publié le  Par Julie Catroux

image article

A trois jours du second tour de l’élection présidentielle, il est temps de faire la lumière sur les affaires judiciaires afférentes au parti socialiste.

Edité le 13/05/2013


Les révélations sur le « système Sarkozy » font l’objet de très nombreuses reprises dans les médias, mais lorsqu’il s’agit d’évoquer les affaires qui plombent la gauche et le parti socialiste, les divulgations se font plus discrètes. Pourtant, le PS possède également « ses casseroles ». Alors pourquoi les médias se font-ils plus discrets quant aux affaires judiciaires afférentes aux socialistes ? Certainement parce qu’il est beaucoup plus intéressant de taper sur les doigts du parti au pouvoir.  Admettons que l’UMP n’a pas été épargné pendant le quinquennat : l’affaire Woerth-Bettencourt, Karachi, etc.. Tous ces scandales ont un point commun: le mélange des genres entre les pouvoirs économique et politique et la présence de conflits d’intérêts. Selon les sondages, le candidat socialiste a de grandes chances d’accéder à l’Elysée dimanche prochain. Le Parti Socialiste sera t-il a alors la nouvelle cible des journalistes ? Il est fort probable que si François Hollande devient président de la République, une multitude d’affaires soient déterrées. Mais cette chasse aux scandales a déjà débuté : Hérault, Bouches-du-Rhône, Pas-de-Calais, trois départements tenus par le PS, trois fédérations dont les leaders, soutiens fervents de François Hollande lorsqu'il était à la tête du parti, sont aujourd'hui au cœur d'affaires judiciaires, tout comme André Vallini, le conseiller justice du candidat.

 


Echange entre Arnaud Montebourg et Martine Aubry sur l'affaire Guérini

 

Remercions tout d’abord Arnaud Montebourg. Le troisième homme des primaires socialistes, alors chargé de la rénovation du parti a dénoncé les « système mafieux » de son propre camp dans un rapport daté du 8 décembre 2011, adressé à Martine Aubry sur « les pratiques de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône ». Le député recommande sa mise sous tutelle par la direction du parti et la « destitution » de son président, Jean-Noël Guérini. La note décrit notamment « un système de pression féodal reposant sur l'intimidation et la peur » et redoute « les dérives les plus graves dans l'usage de l'argent public ». L’affaire remonte au mois d’avril 2009 lorsque le juge Duchaine se saisit du dossier : l’information judicaire visait l’homme d’affaires Alexandre Guérini et son frère, Jean-Noël Guérini, sénateur PS et président du conseil général des Bouches-du-Rhône. Mis en examen le 8 septembre 2011 pour « prise illégale d'intérêts, trafic d'influence, association de malfaiteurs et complicité d'obstacle à la manifestation de la vérité dans une affaire de marchés publics présumés frauduleux », les agissements du sénateur révèle un paysage politique marseillais dévasté par des pratiques de clientélisme et des liens avec le grand banditisme. Le rapport interne au parti dénonçait surtout la relation étroite entre la fédération et le conseil général, tous deux dirigés jusque début 2011 par Jean-Noël Guérini, avec « des cas trop nombreux de dépendance économique et sociale de cadres de la fédération par rapport à une seule collectivité territoriale employeur ». Une situation installée de longue date et qui n'a jamais provoqué de réaction rue de Solférino malgré de nombreuses alertes. La ligne a depuis quelque peu changé puisque tous les socialistes appellent maintenant à la démission de Jean-Noël Guérini du Conseil Général et à son exclusion du PS alors que dans un premier temps, Martine Aubry, actuelle Secrétaire du parti renvoyait la balle à François Hollande regrettant que le « ménage » n’ait pas été fait plus tôt. Mais le principal intéressé ne semble pas de cet avis et clame haut et fort « je pourrai envisager de démissionner lorsque tous les élus du PS condamnés définitivement, et ils sont nombreux malheureusement, auront également démissionné de toutes leurs fonctions exécutives. Cette règle doit être également appliquée à tous les élus socialistes mis en examen ». Lucide sur la situation du parti, le baron des Bouches-du-Rhône n’est pas le seul élu socialiste a avoir été récemment mis en examen.

 

 

Dans l'Hérault, Robert Navarro, sénateur et vice-président de la région Languedoc-Roussillon, fait l'objet d'une plainte du parti socialiste, déposée en avril en 2011 pour « abus de confiance ». Plainte déposée par Solférino après qu'un rapport d'enquête interne a revélé de graves dérives dans la gestion de sa fédération :  des « nombreuses factures » réglées par sa fédération pour des déplacements, notamment en avion, pour un montant de 90 000 à 100 000 euros, sans lien avec sa fonction ; des frais de fournitures, payées par la fédération héraultaise mais livrées au Parlement de Bruxelles, ou des frais de bouche, dont 19 710 euros de pizzas en 2010, sont également visés. L'épouse du sénateur, Dominique Navarro, assistante de François Rebsamen, président du groupe socialiste au Sénat et maire de Dijon, a précédé son mari en été mis en examen pour « abus de confiance » et placée sous contrôle judiciaire. A la demande du juge d’instruction, le Sénat a levé en mars dernier l’immunité parlementaire du sénateur. Exclu du PS en février 2010 pour son soutien à George Frêche, l’élu n'a toujours pas été entendu. Fait troublant, malgré son exclusion du parti, Robert Navarro devient membre de l’équipe de campagne de François Hollande pendant la primaire socialiste dans l’Hérault. Les affaires judiciaires ne semblent pas tant embarrasser le PS à quelques jours du second tour de l’élection présidentielle.

 

 

 

Les scandales ne frappent pas que le sud de l’hexagone. Depuis décembre 2011, il est aussi question d'un possible financement occulte du PS dans le Pas-de-Calais, autour du député et maire de Liévin, Jean-Pierre Kucheida. Visé par une enquête préliminaire, ouverte le 6 mars dernier par le parquet de Lille, il est soupçonné d’ « abus de bien social aux fins d’enrichissement personnel et de financement politique illicite ».

C’est une enquête des Inckoruptibles publiée en décembre qui lâche un pavé dans la mare. Les journalistes détaillent un circuit de financement occulte et de détournement d'argent public et affirment qu'« ils sont déjà une vingtaine d'élus, chefs d'entreprise, intermédiaires à être mis en examen pour ces détournements ». Ses nombreux mandats : député et maire de Liévin depuis 1981, président de la Communauté d’agglomération de Lens-Liévin et président de l'Epinorpa permettent à Jean-Pierre Kucheida de régner en maître.  Le scandale du Pas-de-Calais symbolise la mise à mort d'une génération d'élus socialistes qui a conquis le bassin minier dans les années 1970 pour bâtir un « système féodal ». Face à cette nouvelle affaire, le PS souhaite réagir et montrer sa fermeté. Martine Aubry annonce alors la création d'une commission d'enquête présidée par l'ancien ministre socialiste Alain Richard. Débutée en février, cette dernière sera étonnement rendue publique qu’au mois de juin, soit un mois après l’élection présidentielle… D’ici là, François Hollande semble être touché d’amnésie et ne plus se souvenir de ses liens avec Jean-Pierre Kucheida.

 

 

 

Abus de confiance, financement occulte, prise illégale d'intérêts, trafic d'influence, association de malfaiteurs… La liste est longue mais elle n’aurait aucune saveur sans un « harcèlement moral, une discrimination par l’âge et  un licenciement abusif ». Heureusement, André Vallini est là pour remonter le niveau des accusations au sein du parti socialiste. Poursuivi pour ces faits , le monsieur justice de François Hollande a réussi à tirer son épingle du jeu en se démarquant des ses compères. Poursuivi aux prud’hommes par Brigitte Volmat, une ancienne attachée parlementaire, le sénateur de l’Isère avait choisi, après plusieurs semaines de polémiques, d’indemniser la plaignante lors d'une conciliation qui a fait couler beaucoup d'encre. Cette conciliation semble tomber à point nommé pendant la campagne présidentielle, pouvant amener certains à penser qu'il y au une certaine pression de la part du Sénateur sur la plaignante. Brigitte Volmat qui a publiquement dénoncé les « méthodes contestables » d’André Vallini, avait expliqué aux médias son calvaire et sa placardisation progressive, en précisant que les missions dont elle avait la charge avaient été confiées à des collaboratrices du Conseil général, notamment à une ancienne Miss Rhônes-Alpes de 25 ans.

 

 

« Faites ce que je dis, pas ce que je fais » pourrait être la devise de François Hollande. Le candidat socialiste à l’élection présidentielle semble appliquer ce proverbe à la lettre. Celui qui reprend le projet de François Bayrou sur la « moralisation de la vie politique » et qui souhaite une totale transparence des politiques n’est pas gage d’exemplarité. Laissant se développer en toute impunité des « systèmes mafieux » selon Arnaud Montebourg, François Hollande, premier secrétaire du PS pendant plus de dix ans, pouvait-il réellement ignorer ces dysfonctionnements pendant tant d’années ? Le principal concerné assure qu’il n’avait pas connaissance de ces financement illégaux et autres accusations. Mais la réponse paraît trop simple et surtout difficile à croire. En effet les trois affaires judiciaires concernant Jean-Noël Guérini, Robert Navarro et Jean-Pierre Kucheida se sont toutes déroulées lorsque François Hollande était à la tête du parti. Ces trois hommes ont été des soutiens indéfectibles lors de son élection et de sa réélection en tant que premier secrétaire du PS. Est-ce un pur hasard si le député de Corrèze obtenait des scores quasi staliniens (plus de 80%) dans les Bouches-du- Rhône lors des scrutins internes ? Gérard Dalongeville, ancien maire d’Hénin Beaumont affirme dans « Rose Mafia », que le « PS savait » et décrit au delà de sa ville « un vaste système de corruption organisé par les élus socialistes », « du clientélisme » à grande échelle et accuse certaines personnalités du PS du Pas-de-Calais de s’être enrichies personnellement. L’avocat des époux Navarro, Claude Benyoucef accuse également Solférino lors d’une conférence de presse le 25 janvier. « On nous fait croire que l'on découvre aujourd'hui les dysfonctionnements, c'est faux », observe-t-il. Selon lui, « il existe une certification annuelle des comptes qui a été faite et dont Solférino a eu copie ». Au sein même du parti socialiste, les réponses différent. François Lamy, ancien conseiller politique de Martine Aubry avoue avoir été au courant des agissements répréhensibles de certains barons. « Nous savions qu’il y avait des problèmes » assure t-il. Alors comment François Hollande peut-il affirmer le contraire lors d’un entretien avec les journalistes de Médiapart ?

 

François Hollande interviewé par Médiapart

 

« Moi, sur les affaires, j'ai une règle simple : la justice, toute la justice. Ceux qui, quelle que soit leur sensibilité politique, sont condamnés pour faits de corruption, ils ne pourront plus se présenter à des mandats publics. Est-ce que je peux être plus clair ? » rappelle le candidat socialiste. Faisant de sa campagne présidentielle, une lutte contre les dérives de la politique, François Hollande a pourtant fait preuve, durant son mandat à la tête du parti socialiste, au mieux d'une inattention malavisée envers certaines fédérations, au pire d'un silence coupable. Ainsi: Robert Navarro, mandaté par François Hollande pour coordonner la campagne du candidat dans l’Hérault, fait l’objet d’une plainte, ironie du sort, du PS; François Rebsamen, un pilier de l'équipe de campagne et pressenti comme possible futur ministre de l'intérieur, a salarié pendant près de trois ans l'épouse de Robert Navarro, comme assistante parlementaire à mi-temps, aux frais du Sénat ; André Vallini, conseiller justice dans la campagne présidentielle qui se targue d’être le prochain Garde des Sceaux si l’ancien premier secrétaire accède à la présidence de la République a été accusé notamment d’harcèlement moral. Un comble pour un éventuel ministre de la Justice. Mais François Hollande se défend en mettant en avant le fait qu’aucune des ces personnalités politiques n’a été condamnée. Certes, le candidat n’a pas tort. Mais est-ce une raison suffisante pour hisser ces politiques à de telles fonctions ? Rappelons tout de même que Robert Navarro ne fait plus partie du PS. Le député de Corrèze, qui est le premier à dénoncer les agissements de l’UMP estime que n’étant plus à la tête du parti, il agit comme candidat à la présidentielle et de ce fait, choisit les personnes de son équipe.

 

Des explications qui peuvent laisser dubitatif de la part d’un candidat à l’élection présidentielle qui fait figure de favori. A quatre jours du second tour, François Hollande a du souci à se faire quant aux affaires judiciaires mettant en cause les barons du parti socialiste.

 

 

 







Réagir

Si vous souhaitez voir votre commentaire apparaître directement sur le site sans attendre la validation du modérateur, veuillez vous identifier ou créer un compte sur le site Paris Dépêches.


Publier le commentaire

Me prevenir des réponses




Commande de vin

Vêtements bio

retour menuRetour au menu

© 2013 AMLCF - Réalisation : NokéWeb