France Politique

Valls, héros tragique !

Publié le  Par Patrick Béguier

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Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons

Manuel Valls doit avoir d'épouvantables maux de tête. Il se retrouve coincé. Outre qu'il lui sera difficile de bien manœuvrer pour la présidentielle de 2017, c'est son avenir politique même qui se joue dans les mois qui viennent.

 
 
Il est devenu, bien malgré lui, un héros de tragédie !
Le premier ministre est partagé entre deux devoirs fondamentalement contradictoires. D'un côté, il a un devoir de loyauté envers un président de la République qui lui a offert Matignon sur un plateau alors que, lors de la primaire socialiste de 2011, il n'avait obtenu que 5,63% des voix, loin derrière François Hollande, bien sûr, mais aussi… Arnaud Montebourg. De l'autre, il a un devoir de loyauté envers lui-même, ses idées, sa conception du pouvoir. C'est pourquoi il a exprimé sa "colère" et évoqué la "honte" des militants socialistes à la lecture du livre des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme.
Voilà un homme qui se veut entier et se voit coupé en deux. Insupportable !

 

Trahison, contradiction...

 
Première solution : très vite démissionner, reprendre sa liberté et foncer vers la primaire de la gauche des 22 et 29 janvier, en espérant se saisir du flambeau socialiste et, pourquoi pas, créer la surprise à la présidentielle de 2017 ou, à tout le moins, s'affirmer, même battu, comme le futur leader de l'opposition et se positionner ainsi pour 2022. Mais cela revient à trahir François Hollande, à l'abandonner en rase campagne alors que le pays peine à sortir de l'ornière ! Imagine-t-on le président de la République nommer en catastrophe un nouveau premier ministre avec le remue-ménage gouvernemental qui suivrait et le sentiment qu'auraient les Français d'assister, une nouvelle fois, aux jeux politiciens qu'ils abhorrent. 
S'il se conduisait ainsi, Manuel Valls entrerait aussi en contradiction avec lui-même puisqu'il a plusieurs fois accusé Emmanuel Macron de déloyauté envers le président de la République, et, pour comble, pourrait se faire battre lors de la primaire de janvier par… François Hollande, si celui-ci envers et contre tous décidait de se représenter, ou par Arnaud Montebourg, comme en 2011. Un vrai scénario catastrophe ! Manuel Valls perdrait tout, même son avenir politique ! 
La seule possibilité serait, tout de suite, d'opérer derrière lui un rassemblement des socialistes. Depuis plusieurs jours, il multiplie les appels à l'unité en essayant de dramatiser la situation - la gauche française "peut devenir la plus bête du monde", dit-il -, mais ça ne prend pas. Macron et Montebourg refusent la main tendue. Manuel Valls ne déplace pas les foules et l'épisode africain censé lui donner une stature présidentielle ne peut lui être que d'une utilité marginale. Durablement, ce premier ministre sera marqué par son autoritarisme parfois étroit, son obstination à défendre des lois jugées de droite par son propre camp. Quel camp ? N'est-ce pas lui qui a affirmé qu'en France, désormais, il existait "deux gauches irréconciliables" !
 

Bâtonnet et patate chaude

 
Deuxième solution : ronger son frein et attendre la décision de François Hollande, début décembre. 
Si l'actuel hôte de l'Élysée renonce, Manuel Valls peut espérer apparaître comme le légitime suppléant du président de la République, comme celui qui doit prendre le témoin dans la course qui se prépare au printemps 2017. Mais, après ce que le premier ministre a dit de François Hollande, difficile de se présenter en héritier. Encore plus difficile de se présenter en champion, vu la situation actuelle de la France. Le bâtonnet du relais ressemblerait plutôt à la patate chaude !
Mais au moins, il n'y aurait pas trahison, le champ d'action serait ouvert. Macron et Montebourg perdraient de précieux points face à cet adversaire droit dans ses bottes, sanglé dans sa morale et son courage politiques. En tout cas, Manuel Valls pourrait préserver sa carrière politique et rêver de lendemains meilleurs en jouant un rôle actif dans les années qui viennent.
En revanche, si François Hollande se déclare, il lui sera difficile de quitter le sillage de l'actuel président. Il sera vu comme le coresponsable de l'état de la France, le petit cheval qui a piaffé, mais n'est pas sorti de l'écurie. Pourquoi, alors qu'il critique François Hollande sur le fond, n'a-t-il pas démissionné ? Tous les arguments plaidant pour la première solution se retourneront contre lui : manque de courage, suivisme. Il coulera avec le navire présidentiel ou, si jamais François Hollande bouleverse les pronostics et retourne à l'Elysée, il sera violemment rejeté pour avoir fomenté une sédition au sommet de l'État. Bref : le cocu magnifique !
Quant à l'idée de se présenter dans le dos d'un président qui lui-même se représente, l'histoire nous apprend que, pour un premier ministre, c'est l'échec assuré. Et aucun des obstacles précédemment évoqués ne sera enlevé. Au contraire, il s'en ajoutera d'autres.
 
Vous voudriez, vous, être dans la tête de Manuel Valls ?
 
Patrick Béguier est journaliste et écrivain.
@BeguierP sur Twitter
 
 
 
 
 
 
 






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