France Politique

Collectivités territoriales : comment manger le mille-feuille ?

Publié le  Par Patrick Béguier

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Flickr de Bernard Laguerre

Tout le monde en convient : notre mille-feuille territorial est tellement épais qu'il pourrait nous étouffer. Mais personne n'est d'accord sur la manière de le réduire pour le rendre digestible et nutritif. Par Patrick Béguier

 
 
 
 
François Hollande aime le vaudeville. Il ne s'agit pas ici de sa vie privée, mais d'une pièce de théâtre fertile en rebondissements et dont aucun auteur ne parvient à écrire l'acte dernier : l'organisation territoriale de la France. Si, si, c'est très drôle ! Il y a un mille-feuille au centre de la scène et des tas d'acteurs se succèdent pour le dévorer, mais tous échouent car ils ne savent pas comment le manger ou, parfois, n'ont pas vraiment envie de le manger !
Le président de la République, lors de la troisième conférence de presse de son quinquennat, a dit : il faut "moins de Régions"… il faut "redéfinir l'avenir des départements"… Le spectacle pouvait recommencer.
 

Rat des villes et rat des champs

 
Rire garanti ! Le Premier ministre vient de proposer la disparition des trois départements de la Petite couronne parisienne, en provoquant - comme il fallait s'y attendre - les vives protestations des élus concernés (de droite comme de gauche) mais, peu de temps après, sur ses terres corréziennes, François Hollande s'est fait le défenseur du département. Autrement dit, un département en milieu urbain, c'est le rat des villes (à éradiquer ?) et un département en milieu rural, c'est le rat des champs (à protéger ?).
Il y a trop de Régions, chantent en chœur nos responsables politiques en se référant le plus souvent aux dimensions des collectivités équivalentes en Europe. Mais ils ne mettent pas les mêmes paroles dans leur chanson. C'est que le découpage du mille-feuille est fort délicat et que les administrés surveillent, l'œil mauvais, les acteurs qui tentent de s'emparer du couteau. Gare à respecter les héritages de l'histoire, à ne pas gommer les provinces de l'Ancien Régime, à soupeser le poids des "pays", à bien mesurer les proximités économiques, sociologiques, voire alimentaires ! Les Picards ne veulent pas disparaître, les Poitevins ne se sentent pas Auvergnats, ni Aquitains, etc. Et certaines entités géographiques posent problème parce qu'elles sont nées dans des cerveaux de technocrates. Que faire de la Région Centre, par exemple ? Qui va dire "Moi, je suis du Centre !" avec la fierté et la conviction d'un Breton !
 

22, 15, 8…

 
Nos responsables politiques ne savent même pas combien il faut faire de parts. Passons de 22 à 15 (en métropole), affirment la plupart. Tout dépend de ce que l'on veut faire de ces Régions. Exemple : Jean-Christophe Fromentin, le maire de Neuilly, nous rappelle dans un communiqué qu'avec un groupe d'experts (encore ? !) il a rendu public en juin dernier un projet sur la question. "Quelle est la bonne échelle territoriale pour mener des politiques de développement et d'emploi sur le monde ?" demande-t-il. Réponse : 8 pôles territoriaux, "cette structuration (étant) d'ores et déjà adoptée par de nombreuses entreprises françaises".
C'est un point de vue qui en vaut bien d'autres.
 

Référendums

 
On peut souhaiter bien du courage au gouvernement qui osera vraiment mettre de l'ordre dans l'enchevêtrement administratif qui est le nôtre. Un ou des référendums seraient-ils la solution ? Là aussi, on peut en douter. En avril 2013, les conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ainsi que le conseil régional d'Alsace ont eu l'occasion historique d'opérer leur fusion. Échec ! Au revoir la simplification administrative ! Chacun s'est réfugié sous son clocher. Déjà, en 2003, les Corses avaient répondu non, par référendum, à une collectivité territoriale unique.
La France n'est pas près de révolutionner ses institutions alors qu'elle compte environ 40 000 structures administratives distinctes de l'appareil d'Etat pour un budget global de 240 milliards d'euros ! Que de possibles économies dorment sous ces strates !
À dire vrai, le problème, ce sont les hommes, nos élus de tous bords qui ne veulent pas, en se gardant de l'avouer, qu'on leur enlève leur siège, leur pouvoir, leur notoriété et leur pécule. Si François Hollande s'attaque résolument au problème, inévitablement, il transformera le vaudeville en drame. Avec le risque de mourir sur scène avant même le dernier acte !
 
 
Patrick Béguier est journaliste et écrivain
 
 
 






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