France Politique

Dossier fraude fiscale (1/3) : où en est la lutte contre la grande délinquance économique ?

Publié le  Par Antoine Sauvêtre

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aranjuez1404 - flickr

Dans le sillage de l’affaire Cahuzac débutée en décembre 2012, tout le gratin politique la réclamait. Mais après un an de négociation parlementaire et d’articles invalidés par le Conseil Constitutionnel, la loi de lutte contre la fraude fiscale a perdu de son aura médiatique. Retour sur une législation qui s’attaque à des « délinquants » d’un genre particulier. Un dossier de Paris Dépêches.

Le 2 avril 2013, Jérôme Cahuzac passait aux aveux. L’ancien ministre du Budget détenait bel et bien un compte secret en Suisse. Après le tollé politico-médiatique que cela a pu causer, son propre successeur Bernard Cazeneuve est chargé, huit mois plus tard, de mettre en application la nouvelle loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Entre temps, Yann Galut, député socialiste du Cher et rapporteur de ladite loi, a bataillé pour aboutir à un accord. Elle sera finalement adoptée à l’Assemblée nationale le 5 novembre 2013, avant d’être jugée partiellement conforme par le Conseil constitutionnel un mois plus tard. Malgré l’invalidité de certains articles par les Sages, la loi est finalement promulguée le 6 décembre 2013. Elle prévoit un important durcissement des peines encourues par les fraudeurs.

Lourdes sanctions

Les fraudeurs coincés par les Services fiscaux seront lourdement sanctionnés. D’abord, ils devront s’acquitter d’une amende pour non-déclaration de compte détenu à l’étranger pour chaque année de fraude depuis 2008. Celle-ci s’élève à 5% du solde créditeur lorsque le total des comptes à l’étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000€ au 31 décembre de l’année où la déclaration devait être faite, avec application d’un minimum de 10 000€. Concrètement, si un fraudeur ouvre un compte en 2011 avec 100 000€ de solde créditeur, il devra payer, pour cette année-là, 5 000€ d’amende. Si le solde s’élève à 120 000€ en 2012, il devra payer, en plus, 6 000€. Soit 11 000€ d’amende, au total.
 

Mais ce n’est pas tout. Le fraudeur devra également procéder à sa régularisation d’imposition (impôt de solidarité sur la fortune, impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, droits de donation ou de succession), avec une majoration pour manquement délibéré de 40% à 80% selon la gravité de la situation. Enfin, il devra régler les intérêts de retard au taux annuel de 4,80%.
 

Pour terminer, le resquilleur s’expose à des sanctions pénales pour fraude fiscale, passible d’une amende de 2 millions d’euros et de sept ans d’emprisonnement. Ces sanctions pénales viennent s’ajouter aux amendes et au processus de régularisation.

Atténuations pour les régularisations

La loi met en place un système d’atténuation pour les fraudeurs souhaitant se repentir, c'est-à-dire se dénoncer avant d’être pincés par le Fisc. Ce système différencie deux types de fraudeurs : les « actifs », conscients de leur fraude mais qui décide de se repentir, et les « passifs », qui ont hérité de biens non déclarés. Dans les deux cas, si la demande de régularisation est faite de leur plein gré, ils ne feront pas l’objet de poursuites judiciaires.
 

Ils devront évidemment payer pour régulariser leur situation, avec les intérêts de retard que cela comporte. Ils devront également s’acquitter de l’amende pour manquement déclaratif mais le pourcentage sera plafonné à 3% pour les fraudeurs « actifs » et à 1,5% pour les « passifs ». De la même manière, la majoration pour manquement délibéré sera abaissée de 40 à 30% pour la première catégorie et à 15% pour la seconde.

Fraudeur, repentis-toi !

« Il sera toujours possible de se conformer à la loi, sans date butoir, mais je conseille à ceux qui hésitent de ne pas tarder », avait déclaré Bernard Cazeneuve en novembre. Visiblement, les menaces ont fait leur effet. Depuis l’annonce des nouvelles sanctions et des atténuations en cas de repentance, les dossiers de régularisation pleuvent sur les bureaux de Bercy. Le 12 décembre dernier, le ministre du Budget, évoquait plus de 9 500 demandes depuis l’été. Il faut dire que les banques suisses ont donné un sérieux coup de pouce au gouvernement en demandant à leurs clients de se régulariser. Tant que ce chiffre ne faiblit pas, le gouvernement ne devrait pas annoncer de date butoir avant que les sanctions soient revalorisées.

Articles invalidés par les Sages

L’efficacité de la nouvelle loi semble donc déjà porter ses fruits. Pourtant, le long chemin qu’elle a dû traverser avant d’être promulguée n’a pas été aussi verdoyant que les résultats pourraient le laisser croire. Car le Conseil Constitutionnel est passé par là et a invalidé plusieurs articles qui ont, depuis, disparu de la loi.
 

Ainsi, la possibilité de recourir à « une garde à vue de 96 heures avec report de la présence de l’avocat après la 48ème heure » a été censurée car il ne s’agit ni « de crimes, ni d’infractions d’atteinte aux personnes. »
 

Le Haut conseil a également invalidé l’article 3 instaurant une amende calculée sur le chiffre d’affaires de la personne morale puisqu’une peine doit être « proportionnelle à l’infraction commise. » Les visites à domicile basées sur des documents obtenus illégalement ont également été supprimées par les Sages de la loi initiale.
 

Enfin, les juges ont retoqué l’article 57 sur l’élargissement de la liste des paradis fiscaux. L’objectif était d’ajouter aux 10 paradis fiscaux internationalement admis, tous les territoires, jugés trop nombreux, avec qui la France n’a pas signé de convention d’assistance en matière de documents fiscaux.
 

Le dossier sur la loi de lutte contre la fraude fiscale: 
 

1/3 : Fraude fiscale : où en est la lutte contre la grande délinquance économique?

2/3 : Fraude fiscale: l'association Anticor veut faire "sauter le verrou de Bercy"

3/3 : Fraude fiscale: "Le combat contre la fraude fiscale est permanent" pour Yann Galut (PS)







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