Mercredi, le traitement infligé aux migrants à leur arrivée dans le centre d'accueil de Lampedusa a provoqué une vague d'indignation en Italie, mais aussi au sein des institutions européennes. Une certaine Cecilia Malmström, Suédoise de son état et commissaire européenne aux Affaires intérieures, s'est révoltée sur Twitter à la vue d'images "épouvantables et inacceptables", avant de menacer Rome de sanctions.
D'abord, il convient de se méfier des images, de qui les envoie, du contexte dans lequel elles ont été prises. Certains commentateurs ont un peu vite établi une comparaison entre un traitement de choc, a priori indigne, et le sort tragique réservé aux internés des camps de concentration. Des contraintes sanitaires et l'aménagement même des lieux justifieraient le procédé. Ce sera à l'enquête ordonnée par le président du Conseil italien, Enrico Letta, de faire la lumière sur ce qu'il s'est réellement passé.
Mais, de grâce, que l'Europe se taise ou agisse !
Quelle serait la réaction de Madame Cecilia Malmström si les Italiens, les Grecs, les Maltais, les Chypriotes, accusaient la Suède de mal accueillir les migrants arrivant par milliers sur son île de Gotland, dans la Baltique ? Elle répondrait que trop, c'est trop. Elle demanderait à l'Europe d'être solidaire, de l'aider, plutôt que de l'interpeller et de la menacer de sanctions économiques.
Voilà bien le problème ou plutôt, plusieurs problèmes !
Le Nord de l'Europe toujours prompt à blâmer le Sud ; la totale contradiction entre les deux principes de l'Union Européenne, "solidarité et partage du fardeau", d'une part, et le principe établi qui rend le pays de débarquement seul responsable du sort des migrants, d'autre part ; l'incapacité des vingt-huit États membres de traiter politiquement le dossier du droit d'asile.
Souvenons-nous du double naufrage qui avait coûté la vie à plus de 400 Africains, en octobre dernier, dans le canal de Sicile. Le sommet européen qui avait suivi s'était révélé totalement décevant. Aucun remède concret. Simplement des pistes : renforcer les patrouilles navales en Méditerranée, travailler avec les pays d'origine et de transit pour contenir le flux, qui grossit sans cesse, des migrants…
Peut-être le sommet européen qui se tient cette semaine nous apportera-t-il quelques solutions.
Et soyons fous ! Lorsque, comme ils l'ont déjà fait, les marins italiens sauveront les vies de Syriens ou d'Érythréens entassés sur des canots pneumatiques, gageons que Madame Cecilia Malmström leur enverra un tweet de félicitations !
Patrick Béguier, journaliste et écrivain, est le conseiller éditorial de Paris Dépêches