France Culture

Féroces infirmes, d’Alexis Jenni

Publié le  Par Pascal Hébert

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Alexis Jenni, prix Goncourt 2011 pour "L’Art français de la guerre", se penche avec une certaine efficacité sur ce que l’on a appelé longtemps les « événements d’Algérie ». C’est même l’histoire de toute une jeunesse basculant dans les bras d’une guerre incompréhensible et sans véritable sens. Alexis Jenni dans Féroces infirmes met en parallèle le destin d’un père, ancien combattant d’Algérie et son fils devant s’occuper de ce vieillard devenu infirme, raciste et violent.

Dans le quartier de La Duchère à Lyon, les deux hommes tentent de cohabiter tant bien que mal. En découvrant le passé de Jean-Paul Aerbi, Alexis Jenni nous renvoie à la conscience et au silence de ceux qui sont partis à 20 ans faire du « maintien de l’ordre » en Algérie. Cette jeunesse dorée, qui a échappé à la Deuxième Guerre mondiale, se retrouve dans le piège algérien où tout est compliqué. Avec réussite, l’auteur parvient à nous faire revivre cette guerre sans nom avec ces enfants de la République qui veulent profiter de la nouvelle société s’offrant à eux. Une société de consommation plus confortable que celle de leurs parents. Alors qu’ils ont 20 ans entre 1956 et 1962, leur vie bascule dans la nuit. Cette guerre n’est pas de tout repos. L’ennemi est invisible. Il faut le traquer dans les bleds, dans le maquis. Il n’a pas d’uniforme. Et d’un point de vue politique, c’est l’incompréhension totale. Dans ce roman, on suit l’itinéraire de Jean-Paul Aerbi, un Français comme tous ceux qui veulent vivre en paix après la guerre de 1940. Ni plus mauvais qu’un autre. Il travaille chez un architecte avant que l‘Algérie le rattrape. Mais dans cette guerre, il excelle avec un fusil de précision. Il devient tireur d’élite. Son travail consiste à éliminer à 600 mètres un ennemi désigné. Transformé en tueur, il ne comprend plus très bien la situation lorsque la France tergiverse sur l’avenir de cette colonie. Le Général de Gaulle siffle la fin de la partie au grand dam de ces soldats qui ont mis leur vie en jeu pour un résultat sonnant l’abandon, voire la désertion. Devant cette incompréhension et le chaos qui en résulte à Alger, Jean-Paul Aerbi passe du côté de l’OAS et n’hésite pas à mettre ses compétences au service de ceux qui refusent de voir l’Algérie quitter le giron national. Dans la confusion générale qui règne à Alger, l’heure du départ arrive pour tous les Français en partance pour Marseille.
Difficile ensuite de retrouver une vie normale dans un pays en paix lorsque l’on a connu la fièvre de l’attente de l’ennemi et que l’on a tenu une arme automatique ou un fusil pendant deux ans. Même s’il retrouve son travail, Jean-Paul Aerbi a bien du mal à reprendre sa place dans une vie normale. Alors que les Français sont contraints de revenir en France, des Algériens arrivent également en masse dans l’hexagone pour répondre à la demande des usines. L’esprit toujours dans l’action, le soldat retrouvera d’autres anciens d’Algérie pour regoûter à l’espoir de voir une nouvelle nation renaitre de ses cendres.
Avec ce roman, Alexis Jenni nous fait entrer de plain pied dans cette partie de l’histoire de France que l’on a bien du mal à regarder en face et sous tous les angles. La France n’a pourtant pas le luxe de continuer à occulter cette guerre d’Algérie.  

Pascal Hébert

Féroces infirmes d’Alexis Jenni ,aux éditions Gallimard. 316 pages. 21 € 







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