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Séries télé : The Newsroom, la nouvelle pépite HBO signée Aaron Sorkin

Publié le  Par Un Contributeur

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Le 24 juin dernier, HBO lance The Newsroom, une série acerbe sur les contours du journalisme et ses déviances. Un pavé dans la mare signé Aaron Sorkin, l’un des scénaristes les plus talentueux de sa génération._ par Raphael Didio

 

 

« The Newsroom raconte les coulisses d’une chaîne d’info continue de ACN, avec toute son équipe aux manettes et son présentateur, Will McAvoy, qui est un célèbre journaliste d'une chaîne câblée, intelligent et talentueux, mais avec qui il est très difficile de travailler. »

 

Aaron Sorkin est l’un des maitres en matière de critiques socio-politiques, des déviances de la télévision mais aussi dans l’art des discours fleuves et acerbes envers la société actuelle. Scénariste talentueux à qui l’on doit notamment la série The West Wing, mais aussi les scénarii des films La Guerre selon Charlie Wilson, The Social Network (Oscar du meilleur scénario adapté) ou encore Moneyball (Critics Choice Awards du scénario adapté). 

 

 

Aaron Sorkin avec son Oscar pour The Social Network. Photo : Agencies

 

 

Avant The Newsroom, Sorkin avait déjà tenté un concept similaire avec Studio 60 on the Sunset Strip mais la série a été annulée à la fin de la première saison. Un échec logique malgré un concept séduisant où le spectateur découvrait l’envers du décor de la préparation d’une émission satirique hebdomadaire à succès, qui se rapproche dans le concept du Saturday Night Live. On pouvait ainsi voir les divergences d’opinions sur ce que devait être le contenu de l’émission entre les différents dirigeants de la chaine qui produisait l’émission, des écrivains chargés des sketchs mais aussi des acteurs. Malheureusement, la série s’est rapidement perdue en cours de route, la faute à des épisodes de plus en plus tournés sur les romances entre les divers protagonistes de la série.

 

Aaron Sorkin remet donc ça, avec The Newsroom, sauf que le décor change, comme indiqué dans le synopsis ci-dessus. Cette fois, nous sommes donc plongés au cœur de la rédaction de l’émission News Night présentée par Will McAvoy (Jeff Daniels). Pour le moment, trois épisodes ont vu le jour avec pour thème central de chaque épisode des évènements réels : la catastrophe de la plateforme pétrolière de BP Deepwater qui a explosé au large des côtes de la Louisiane dans le Golfe du Mexique en avril 2010, la nouvelle loi de l’immigration en Arizona qui avait fait scandale aux Etats-Unis et la montée en force du Tea Party au moment des élections de la Chambre des Représentants pour le 112ème Congrès des Etats-Unis, remportées par les Républicains.

 

Sorkin se fait le porte-parole d’un journalisme sur le déclin

 

Au vue des premiers épisodes, la grande force de The Newsroom est bien évidemment tout le contenu critique autour du métier de journaliste, désormais empêtré dans la course à l’audimat et prié de ne pas heurter la sensibilité des annonceurs. Tout commence par un débat télévisé où Will McAvoy est invité en compagnie de deux autres de ses confrères. Des étudiants posent des questions chacun à leur tour aux invités sur divers sujets sociaux ou politiques.

 

On découvre alors un McAvoy qui écoute d’une oreille très distraite un débat entre les deux autres invités, avant de lâcher quelques réponses laconiques à des questions très superficielles, et notamment celle d’une jeune étudiante « Pourquoi les Etats-Unis sont-ils le meilleur pays au monde ? ». Là où chacun des protagonistes répondaient succinctement et avec enthousiasme à la question, McAvoy préfère soigneusement l’éviter avant d’être poussé par le présentateur et, énervé, de lâcher une diatribe incendiaire en répondant que les Etats-Unis ne sont pas le plus grand pays au monde et d’énoncer pendant plusieurs minutes le pourquoi du comment. Et tout commence par ce scandale.

 

La grande force d’Aaron Sorkin sur ce programme, c’est d’énoncer clairement et simplement les faiblesses du journalisme actuel grâce à des dialogues savoureux dont lui seul connait le secret : un journalisme qui ne prend jamais le risque de froisser la susceptibilité du public comme des annonceurs, un journalisme qui manque d’intelligence et de rigueur avec des sujets peu enclins à réellement éduquer les téléspectateurs.

 

 

Jeff Daniels dans la peau de Will McAvoy. Photo : HBO

 

 

Après le scandale au début du pilote, Will McAvoy voit sa rédaction changer totalement de direction sous l’impulsion de son supérieur, mentor et ami, Charlie Skinner (Sam Waterston), un excentrique alcoolique et idéaliste qui souhaite faire oublier ce scandale qui a remis en cause la crédibilité de son présentateur vedette. McAvoy se retrouve ainsi obligé de travailler avec son ex petite amie, Mackenzie MacHale (Emily Mortimer), qui devient sa nouvelle productrice exécutive en charge du contenu du journal du soir que Will présente, The News Night.  Avec son équipe, elle compte révolutionner le journalisme actuel avec des sujets préoccupants et où la neutralité est de mise. « Les faits sont au centre ». Elle déclare notamment à McAvoy qu’elle souhaite « redorer le journalisme », de « redevenir le quatrième pouvoir »

 

Le format HBO devrait ainsi parfaire les qualités rédactionnelles de Sorkin, avec une série étalée en seulement dix épisodes et où l’enjeu sera bien évidemment de redonner un coup de fouet à une profession qui s’enlise dans les méandres du capitalisme, protégeant les intérêts de personnages influents par le biais de contenus informationnels lisses et convenus. Ainsi, aux travers d’évènements réels, Sorkin pose les questions qui fâchent : celles qui auraient dû être posées. La recherche des faits grâce à la pluralité des sources s’avère primordial et les polémiques incendiaires ne tardent pas à pointer le bout de leur nez. Ainsi, dans l’épisode 3, Will McAvoy, au cours d’un speech télévisé à rallonge dont Sorkin a le secret, conclut en déclarant que son équipe est tout simplement « L’élite des Médias ».

 

Attention à ne pas retomber dans le piège de Studio 60

 

Pour le moment, l’unique faiblesse du programme réside dans les personnages. Leur caractère est souvent cliché et leur petite vie amoureuse au sein de la rédaction ajoute une certaine lourdeur scénaristique. Au centre de tout, il y a le duo Will/Mackenzie. Will est donc le présentateur et rédacteur en chef de l’émission, un quadra multimillionnaire intègre mais devenu blasé suite à sa rupture avec Mackenzie, excessivement cultivé mais peu sympathique de prime abord avec ses collègues.

 

Mackenzie a la trentaine, revient de plusieurs mois en tant que reportrice de guerre en Irak. De retour aux Etats-Unis, elle souhaite avant tout la stabilité dans sa carrière et espère radicalement changer les esprits avec le journal télévisé dont elle a désormais la charge de produire. Toujours éprise de Will, qui est tout d’abord très réticent à l’idée de travailler avec Mackenzie, les tensions entre les deux, amoureuses et professionnelles, sont un facteur à risque quant à la bonne conduite de l’émission.

 

Nous avons également Jim Harper (John Gallagher, Jr), jeune beau gosse presque trentenaire, fidèle de Mackenzie qui l’a suivi en Irak et qui est désormais son adjoint, reporter bourlingueur obnubilé par son travail à la forte conscience professionnelle. Puis Margaret « Maggie » Jordan (Alison Pill), la jeune bleue stressée et maladroite mais très consciencieuse dans son travail. Egalement son petit ami Don Keefer (Thomas Sadoski), l’ancien producteur exécutif de l’émission qui ne supportait plus le caractère de Will, doté d’une personnalité peu avenante et dont la relation avec Maggie est conflictuelle, un sempiternel « Je t’aime moi non plus » qui pourrait agacer... Un triangle amoureux se forme très rapidement avec Jim, le « gentil », et l’on se doute très fortement qu’il devrait remplacer Don, le « méchant », dans le cœur de Maggie dans le futur…

 

 

De gauche à droite : Jeff Daniels, Emily Mortimer, Sam Waterston, Olivia Munn, Dev Patel, Thomas Sadoski, Alison Pill et John Gallagher Jr. Photo : Annie Leibovitz

 

 

Enfin, un acteur dont la tête nous remémorera quelques souvenirs en la personne de Dev Patel, le Slumdog Millionnaire, qui interprète Neal Sampat, un jeune technicien brillant doté d’excellentes capacités de déduction et d’une maitrise parfaite de tout ce qui a trait aux nouvelles technologies. Et bien sûr, Charlie Skinner, le patron de Will qui fait tout son possible pour protéger l’émission en évitant la course à l’audience, frein majeur à la conception d’un journal télévisé clair et sans concession, et où il doit faire face aux foudres de ses propres supérieurs… On citera également Sloan Sabbith (Olivia Munn), experte en économie de la chaine et recrutée par Mackenzie pour faire un extra sur le journal grâce à ces « belles jambes »…

 

Bref, tout ce beau monde a ses capacités propres qui en font, effectivement, « l’élite des Médias ». Mais les personnages semblent presque trop parfaits, trop intègres, tous pourvus d’une loyauté sans faille (sauf peut-être Don). Les acteurs ne semblent pas tous parfaitement rentrés dans leur rôle à l’image de John Gallagher ou Alison Pill. Espérons surtout que Sorkin ne reconduira pas l’erreur de Studio 60, à savoir des épisodes où les relations amoureuses prennent une place un peu trop importante, comme on peut l’apercevoir par exemple dans l’épisode 2 où certaines scènes étaient trop ubuesques pour être crédibles mais surtout pertinentes.

 

La garantie HBO ?

 

La chaine câblée est désormais reconnue comme la meilleure en termes de qualité de séries. Des programmes tels que The Wire, Six Feet Under, Oz, Les Sopranos, Deadwood, Treme, Boardwalk Empire ou encore Game of Thrones, pour ne citer qu’eux, ont complètement chamboulé le paysage audiovisuel ces dernières années. Pour le moment, les critiques outre-Atlantique n’ont pas été très tendres avec la série avec 57% sur Metascore. Sans doute parce que Aaron Sorkin ne s’est pas fait prier pour tacler avec véhémence le monde des journalistes. Pour le public, c’est une autre paire de manche. Toujours sur Metascore, la notation est de 8,2/10 et sur le site IMDB, la note moyenne est de 8,8 sur 10. 

 

The Newsroom ravit donc son public après trois épisodes. Reste à savoir si Sorkin et les siens arriveront à faire perdurer la série sur le long terme. Dix épisodes sont prévus pour le moment et une saison 2 a d’ores et déjà été confirmée par HBO.

 

Raphaël Didio

 

 

 

 

 

 







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