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103e Tour de France : heureusement Froome et Bardet…

Publié le  Par Jacques-Henri Digeon

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Ce fut certes un beau Tour de France. Un beau parcours surtout. Mais cette année encore la 103e édition de la plus grande course cycliste du monde a manqué singulièrement de piquant. Bilan.

S ‘il a fallu que Froome par son excentrique descente de Peyresourde, son culot de Montpellier et son cocasse running du Ventoux réveille le Tour au même titre que la cavalcade héroïque de Bardet sur les hauts de Saint-Gervais, on sera bien obligé de constater que cette année encore on se sera ennuyé sur le Tour. Bien sûr, il y a eu ces deux là mais également Sagan, super combatif, et Cavendish et ses quatre étapes, mais à part ça… Des étapes toujours sans surprise avec quelques aventuriers condamnés à céder aux morts de faim du sprint, un Maillot Jaune inchangé de la 8e à 21e étape, la main mise des Sky (et si on supprimerait un coureur par équipe...), des coureurs sans inspiration branchés sur leurs oreillettes (et si on les supprimait sur certaines étapes…) et sur leur capteur de puissance (et l’instinct il est où)… Bref, pas de bouleversement, pas de retournement de situation, quelques bordures piégeuses sans effet, quelques grosses défaillances et cette désespérante sélection par l’arrière. Tour de la défensive, Tour anesthésié Tour sans flamme ! Heureusement Froome et Bardet… 

Froome et le Ventoux. Que serait-il passé si les commissaires n’avaient pas ‘’repêché’’ le Maillot Jaune après sa folle cavalcade du Ventoux ? Bauke Mollema, lui aussi dans le choc contre la moto, a eu raison de poser la question : et si ça avait été lui, et lui seul ? Ce jour là, Froome a bénéficié de son statut mais aussi d’un point de règlement faisait référence à un événement extraordinaire. Mais imaginez qu’on ait considéré son incident comme un simple fait de course et qu’il ait perdu sa place de leader… Nul ne saura ce qu’il serait advenu. Il aurait probablement dû reprendre son costume de pédaleur fou à Finhaut-Emosson ou au Bettex. Mais en avait-il les moyens ? Et l’envie,  préférant peut-être jouer autrement pour ne pas avoir à se défendre des suspicions le concernant comme en 2013 et 2015. On peut aussi s’interroger sur ses précieuses secondes gagnées dans son numéro d’équilibriste vers Bagnères-de-Luchon ou sur celle glanées dans la roue de Sagan à l’arrivée de Montpellier. Il y avait certes du Hinault et du Merckx qui ne laissaient jamais passer une occasion de surprendre là où on ne les attendait pas ; voire du Anquetil pour lequel le moindre profit -si petit soit-il- suffisait à bâtir son succès. Une manière comme une autre d’engranger face à une opposition qu’on disait ambitieuse.
Quoi qu’il en soit, les huit  étapes suivantes et surtout celles de haute montagne auraient été différentes. Et qui sait si les Quintana, Aru, Mollema, Van Garderen, Kreuziger et autre Yates, libérés du poids de la dominance du Britannique devenu poursuiteur, n’auraient-ils pas raccroché leur panoplie de suiveur résignés pour un costume d’attaquant flamboyant. Et l’issue du Tour en aurait peut-être été changée…

Bardet et le Bettex. Et si c’était lui ? Lui qui succédera à Bernard Hinault comme Français vainqueur du Tour, plus de trente ans après le dernier succès du Blaireau (1985). Rendez-vous dans les prochaines années… Toujours est-il que ce Romain Bardet aura été le seul à enflammer le Tour. Oh, bien sûr, il n’a pas menacé Froome assis sur un confortable matelas épais de quatre minutes ni déstabilisé la noire armada des Sky. Mais en osant s’immerger dans la vertigineuse plongée de Domancy, épaulé d’un Mickael Cherel, redevenu dans les lacets détrempés le poisson pilote qui vous libère des dernières réticences à tenter le diable, Romain Bardet a non seulement enflammé les cœurs des supporters français mais surtout démontré que la course cycliste doit avant se jouer à l’instinct, à l’improvisation, à la surprise. Et non pas, comme  on le voit hélas trop souvent dans le Tour, au calcul, à la tactique, à la retenue. En ce sens, Bardet a rejoint Froome dans la passion et le jeu cycliste. Ah, cette ascension du Bettex ! Que d’émotions, de larmes de joies, celles qui vous transportent et vous font oublier l’ennui d’un Tour cadenacé et stéréotypé. Tout autant que Froome et sa folle descente,  sa panique du Ventoux et son opportunisme au bord de la Méditerranée, Romain Bardet aura sorti le Tour de l’ennui. Mais le plus dur commence maintenant pour lui : du rang d’outsider il passera à celui de favori et à ce titre il faudra construire une équipe AG2R La Mondiale capable de supporter ce poids à ses côtés à la manière des Sky. Ce n’est qu’à cette condition qu’il pourra prétendre à la plus haute marche du podium élyséen.

Quintana et les’’flingueurs’’. « Froome face aux flingueurs » titrait Vélo Magazine dans sa Une de Juillet. Mais en matière de flingueurs, pfff ! Passons sur Contador, victime de deux chutes en début de Tour et n’ayant jamais semblé récupérer. Cela dit, son abandon dans l’étape vers Andorre-Arcalis pourrait être un mal pour un bien tant l’Espagnol, même s’il a conservé son tempérament d’attaquant, a grandement perdu de son explosivité en montagne et ses quelques tentatives de déstabilisation de Froome  n’avaient plus rien de celle du ‘’Pistolero’’ d’il y a quelques années.
Dans le genre, Nairo Quintana, sept ans plus jeune (26 ans contre 33) ne nous aura rien mais vraiment rien montré. Sa préparation en solitaire dans ses montagnes colombiennes sera probablement à revoir. Malgré une équipe Movistar entièrement vouée à sa cause avec un Valverde en capitaine de route, le Sud-américain, a été totalement transparent voire gonflant à force de coller à la roue de Froome sans jamais rien tenter. Pire même, lors de la dernière étape de montagne, samedi dernier, il aurait pu, dans Joux-Plane, essayer de titiller un Romain Bardet tout fraîchement promu dauphin après son exploit de la veille au Bettex et peut-être un émoussé. Quinze petites secondes pour une deuxième place, ça pouvait valoir le coup, non ? Même pas… Le Colombien resta scotché et bien au chaud tournant les pédales comme un âme en peine. Dommage.
Et les autres présumés flingueurs ? Valverde (6e au final) était avant tout au service de Quintana et ses accélérations n’ont servi à rien. Fabio Aru (13e), qui découvrait le Tour, a constaté qu’il n’avait rien à voir avec la Vuelta ou le Giro et si son  équipe Astana a parfois haussé le ton, elle le fit inutilement tant l’Italien n’avait ni les jambes ni la carrure. Richie Porte (BMC) aurait peut-être pu jouer un rôle plus importants sans une traître crevaison ; mais aurait-il eu l’audace d’aller jusqu’à défier son ex-leader et surtout ami de longue date… Quant aux Rodriguez (7e),  D. Martin (9e), Kreuziger (10e), Mollema (11e) et autre Van Garderen (abandon), ils furent fidèles à leur image de suceurs de roue de Maillot Jaune ! Pour les flingueurs, on repassera donc cette année encore… On exclura de cette liste d’ennuyeux attentistes les jeunes Adam Yates (4e) et Louis Meintjes (8e) jeunes espoirs déjà heureux d’avoir pu suivre et à… suivre dans les prochaines années.

Les Français et l’avenir. Il y a donc eu Romain Bardet. Deux ans après son coéquipier Jean-Christophe Peraud, le jeune (24 ans) espoir du cyclisme français est monté sur la deuxième marche du podium sauvant quelque peu le Tour mi-figue mi-raisin des coureurs hexagonaux. Thibaut Pinot d’abord a été la grande déception. On le présentait comme podiumable et pourquoi pas sur la plus haute marche. Mais la pression et un virus en découlant peut-être ont eu raison de ses ambitions. On attendait aussi mieux (au moins un Top10) de Pierre Rolland. Mais après une bonne première semaine, il a collectionné les ennuis (sortie de route et chutes…). Warren Barguil, prometteur l’année dernière (Top15), doué et dur au mal, avait fait naître de belles promesses au Tour de Suisse. Mais il s’est raté sur ce Tour de France ne suivant les meilleurs que par intermittence avant de sombrer dans la dernière semaine. Julian Alaphilippe, lui, a raté d’un rien le Maillot Jaune en début de Tour. Il n’a pas hésité à se montrer, à tenter mais trop isolé dans son équipe Etiix il s’est peut-être aussi trop dispersé. Mais on ne lui reprochera certainement pas sa fougue, seulement faut-il la canaliser.
Finalement, avec Bardet, la grande satisfaction aura été Bryan Coquard. Le sprinteur de poche de Direct Energie n’a souffert d’aucun complexe face aux mastodontes de l’emballage et il s’en est fallu d’une photo-finish et de quelques millimètres pour qu’il s’impose à Limoges face à Kittel avant de manquer de chance aux Champs-Elysées avec une crevaison à deux kilomètres du but.
 Malgré tout, les coureurs français, longtemps réduits à des rôles de figurants, peuvent espérer à l’avenir peser sur la course, pourvu qu’ils y croient. Romain Bardet a montré la voie…







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