Paris (75) Culture

Jean d'Ormesson est mort

Publié le  Par Fabrice Bluszez

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L'écrivain Jean d'Ormesson est mort ce mardi 5 décembre. Très parisien, académicien, mondain, cultivé, séducteur, pétillant, acide... "Il donnait envie de lire à ceux qui ne lisent pas" a dit Frédéric Mitterrand.

Jean d'Ormesson avait en 2013 répondu aux questions de Marie Chaudey, pour l'hebdomadaire La Vie. Quelques extraits...

 

Vous, l'écrivain du bonheur, avez le culte des morts ? Quel paradoxe !


« Le plus cruel quand on vieillit, c'est le vide qui se fait autour de soi. Et ce sont les maîtres, qui s'en vont les premiers, ceux que l'on a admirés et aimés – Althusser, Julliard, Berl, Caillois. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour qu'on se souvienne de Caillois. Mais je suis frappé par le fait qu'on oublie tellement vite. A mes yeux, l'amour de la vie et le culte des morts vont de pair. En réalité, je suis un mélancolique. Le paradoxe, c'est que la gaieté est la forme de ma mélancolie. Je suis un homme de l'oxymore, j'ai toujours eu cette bipolarité. Dieu a créé une soeur au souvenir, et il l'a appelée l'espérance. »


La souffrance vous a rapproché des absents ?


« Durant ma maladie, je n'ai pas pensé à ma mort. Mais oui, j'ai vécu avec des fantômes. Non seulement j'ai traversé des nuits de souffrance, sans sommeil. Mais j'avais aussi des hallucinations en plein jour, les yeux ouverts, par un effet des médicaments : tous les visages du passé étaient là. Quand ils prenaient des drogues pour élargir leurs perceptions, les surréalistes, Michaux et autres, faisaient le même genre de voyage. Pendant quelques semaines, j'ai eu deux vies, une vraie et une parallèle, dans laquelle vivait le passé avec ses figures... »


Je suppose que vous ne pouviez plus lire ?


« Non, mais j'ai été sauvé par la poésie : je me suis créé une petite bibliothèque, en récitant des vers dans ma tête. J'ai reconstitué des scènes entières de Racine et de Corneille. Pour un culte des morts, c'est un peu indirect. Mais il s'agit d'une vraie présence du passé, d'un passage de relais. Et reste une grande interrogation : le relais fonctionnera-t-il encore au-delà de ma génération ? L'un des drames contemporains vient du fait que la communication, si envahissante pourtant, n'est plus du tout verticale. Elle a abandonné le passé et la transcendance. Facebook est une communion horizontale et sans Dieu. On se moque de mon goût des citations. Mais il est à mes yeux une manière de fraternité avec Kant ou Spinoza. »


Les philosophes et les écrivains font partie de vos absents intimes ? 


« Ah oui ! Je suis surement plus proche de Châteaubriand et de saint Augustin que de mes arrière-grand-mères... Ils sont mes intimes, car je leur dois tout. Quand je parle du temps, c'est à la lumière du Livre XI des Confessions. De là, je peux vous conduire à un mot formidable de Jankélévitch : "Si la vie est éphémère, le fait d'avoir vécu cette vie éphémère est un fait éternel". »


Et la littérature, ne défie-t-elle la mort ? »


« Elle est effectivement une arme décisive contre le temps. Ce qui compte pour moi, c'est l'écriture, ce sentiment d'être traversé par quelque chose de plus puissant que soi, cette idée de quelque chose au-dessus de la littérature : une présence sacrée. »

 







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