La piscine populaire Molitor rouvre ses portes… en hôtel luxueux

L’eau ruisselle à nouveau dans les bassins de la piscine Molitor. Plus de 80 ans après son inauguration en 1929, 25 ans après sa fermeture en 1989 et après deux ans de rénovation, ce lieu emblématique de la capitale sera de nouveau accessible à tous… ou presque. Car si les nouveaux bassins rappellent largement ceux d’origine, l’image de Molitor est loin, bien loin de la piscine populaire qu’elle était jadis.

Hôtel 5 étoiles, spa et resto gastronomique

Aujourd’hui, la piscine Molitor se fond dans l’ambiance chic du 16^ème arrondissement parisien. Ce n’est d’ailleurs plus une simple piscine mais un véritable établissement de luxe. Le bâtiment compte toujours deux bassins, un extérieur de 46 mètres et un intérieur de 33 mètres sous une verrière, tous deux maintenus à 28 degrés. Mais autour, il y a aussi un hôtel. Cinq étoiles accessoirement. Un spa. Un restaurant gastronomique. Un bar. Une salle de sport.
 

Nager dans ces bassins mythiques a donc désormais un prix. Et pas des moindres. Il faudra être client de l’hôtel, dont les 124 chambres coûtent en moyenne 300 euros la nuit, ou bien être membre d’un prestigieux club à 3 300 euros l’adhésion annuelle et dont le droit d’entrée s’élève à 1 200 euros... Autant dire que peu de Parisiens pourront se payer le luxe d’y faire trempette. Seuls quelques écoliers chanceux du quartier pourront en profiter trois demi-journées par semaine.

De la piscine légendaire…

Jack Lang s’est dit « choqué » par la reconversion du lieu populaire en un espace luxueux. « Je ne suis pas contre l’appel à des capitaux privés, […] mais les lieux doivent être ouverts à un large public », se désole-t-il. Il faut dire que le directeur de l’Institut du monde arabe a une histoire particulière avec Molitor. C’est lui qui l’a fait classer aux monuments historiques quand il occupait le poste de ministre de la Culture.
 

Car Molitor tient une place particulière dans la capitale, avec ses anecdotes et ses légendes. Inaugurée en 1929 par le quintuple champion olympique Johnny Weissmuller, on dit que ce dernier y a ensuite officié en tant que maitre-nageur la première année. On dit aussi que c’est sur les bords du bassin extérieur que sont apparus les premiers bikinis en 1946 ou bien encore que les femmes ont osé, pour la première fois, bronzer seins nus.

… au temple du street-art

Après avoir accueilli les Parisiens avides de bronzette et de baignade pendant 60 ans, les habitants se sont réappropriés les lieux. Fermée pour insalubrité en 1989, la piscine est devenue le temple du street-art. Les meilleurs graffeurs de Paris sont venus y apposer leur signature au bas de leurs plus beaux tags. Pas un pan de murs n’échappera aux mains de ces artistes de rues et plusieurs évènements seront organisés dans les années 2000, notamment une rave géante à laquelle plus de 5000 personnes ont participé. Aujourd’hui, il y a bien des tags dans l’enceinte de Molitor, mais ils ont cette fois été réalisés par l’artiste JonOne sur…une Rolls Royce.
 

La direction veut également montrer sa volonté de préserver ce lieu artistique en organisant des mini-ateliers et des expositions dans les cabines autour du bassin. Elle espère aussi faire des retransmissions d’opéra et de défilés de mode.
 

En 2008, la mairie de Paris a finalement cédé le bail du terrain au fonds d’investissement Colony Capital, après avoir fait un appel d’offres. Les groupes Accor et Bouygues notamment y ont alors entrepris une rénovation dantesque pour plus de 80 millions d’euros. Aujourd’hui, c’est une partie de l’histoire de Paris qui renaît de ses cendres, même si la plupart des franciliens ne pourront faire baigner leurs yeux… que dans les photos du nouveau lieu.