France Politique

Nicolas Sarkozy et les médias : « je t’aime moi non plus »

Publié le  Par Julie Catroux

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Les relations entre Nicolas Sarkozy et les médias s’apparentent à une véritable histoire d’amour. Avec des hauts et des bas.

 

Les relations n’auront pas été simples. Entre Nicolas Sarkozy et la presse, l'histoire aura toujours balancé entre la fascination et la franche hostilité. Le gouvernement français actuel entretient une relation profondément ambivalente avec la presse.  Le président de la République  a encouragé le public à considérer les journalistes avec méfiance, tandis que les relations qu’il entretient avec les propriétaires des groupes de presse sont très étroites.

 

Les choses pourtant commencèrent bien. Trop bien sans doute. Nicolas Sarkozy, ministre ou Nicolas Sarkozy président, a toujours entretenu des relations particulières avec la presse. Il parlait, beaucoup, se livrait, énormément, et les journalistes semblaient être séduit par cet homme politique qui ne cachait rien.

 

Comment est apparue une telle relation de proximité entre les journalistes et le chef de l’Etat ?

 

En se présentant comme un candidat proche du peuple et à l’écoute des citoyens, Nicolas Sarkozy a souhaité dès le début de sa campagne présidentielle en 2007 se rapprocher des électeurs. Désirant mettre un terme à une « monarchisation » du chef de l’Etat, le candidat UMP voulait être « le candidat du peuple ». Sous la Vème république, les présidents se sont succédés et même si leurs idées divergaient, ils véhiculaient tous, sans exception, une certaine prestance. Du Général de Gaulle à Jacques Chirac, en passant par Georges Pompidou, Valery Giscard d’Estaing ou François Mitterrand, ces hommes politiques ont été élevés au quasi rang de monarque. Intouchables, ils apparaissaient comme le bon père de famille, à qui rien ne pouvait arriver et qui assuraient les désagréments du quotidien.

 

En 2007, lorsque Nicolas Sarkozy accède à l’Elysée, il décide de faire cesser cette « monarchisation » du président qui le mettait sur un pied d’estale et le rendait inaccessible. Cette idée semblait ingénieuse. Rendre sa vie privée et publique quasi transparentes, sans tabou ni secret, telles sont les principales envies du chef de l’Etat. Les dés sont lancés, il est désormais trop tard pour faire machine arrière. Lorsque Mitterrand et Chirac se mettaient en scène dans des moments particuliers, Sarkozy va mettre en scène sa présidence elle-même. En s’affichant à Disneyland Paris, en présence de Carla Bruni-Sarkozy, il veut se montrer en homme, en vrai. La presse se délecte, les photos et commentaires fusent. Les papiers sur ce sujet se multiplient et sur Internet, les articles les plus consultés, et de loin, sont ceux qui traitent de la nouvelle idylle. Il en va de même avec les ventes de journaux ou les taux d’audiences des émissions de télévision.

 

 

 

Tout le monde est ravi de cette relation amoureuse. La population, curieuse, se délecte, le président de la République montre au monde entier qu’il est simplement humain et peut tomber amoureux, et la presse voit ses ventes exploser. Car ne nous voilons pas la face, cette même presse qui quelques temps après va littéralement diaboliser Nicolas Sarkozy, se frottait les mains. Un président divorcé, qui refuse les anciennes règles du jeu de dissimulation et qui prétend à la transparence (relative) : une aubaine pour les journalistes. « Toute la difficulté, c’est de ne pas être embarqué, de ne pas tomber dans le voyeurisme complaisant, de trouver la bonne distance, de se permettre même une dose d’acidité critique, qu’elle déplaise ou non au chef de l’Etat et à ses puissants amis patrons de presse car la starisation du président n’oblige pas à la révérence, encore moins à la dévotion » explique Nicolas Domenach, directeur adjoint de l’hebdomadaire Marianne.

 

Revenons sur ces patrons de presse justement. Nicolas Sarkozy a des liens très étroits avec les plus grands propriétaires de médias : Dassault, Lagardère, Arnault… En 2005, alors que Nicolas Sarkozy n’était que ministre de l’Intérieur, une affaire a fait grand bruit. Paris Match avait publié une photo de Cécilia Sarkozy au bras de son nouveau compagnon, Richard Attias. Quelques semaines après la parution du magazine, Alain Génestar, directeur de la rédaction a été licencié. Proche d’Arnaud Lagardère, le ministre aurait demandé le départ du journaliste.

 

 

« Le pouvoir implique la distance », disait le Général de Gaulle qui savait qu’à certains moments pour en imposer, il faut de la hauteur et non de la proximité. La « peopolisation » est aussi trivialité. Aujourd’hui, on adore les people, on se prosterne, mais demain en cas de difficultés, ce sont elles qu’on va s’empresser de renverser.

 

 

 

Comment le désamour entre Nicolas Sarkozy et les médias est apparu ?

 

En fin d’exercice, tous les présidents de la Ve République ont subi une désaffection plus ou moins grande de la part des Français. Nicolas Sarkozy ne fait pas exception à la règle. Toutefois, à la différence de ses prédécesseurs, le désamour qu’il subit a commencé très tôt. En juillet 2007, deux mois après son arrivée à l’Elysée, l’actuel chef de l’Etat présente une cote de popularité en hausse: 65% des Français lui font alors confiance. Dès l’automne, la chute commence, pour se précipiter en janvier-février 2008 lorsque le nombre des «méfiants» dépasse celui des «confiants». Même si la gestion de la crise économique a été rude, Nicolas Sarkozy s’est battu, pour que la France ne sombre pas comme l’Espagne ou la Grèce. Malgré un regain de confiance de la part des Français, plusieurs affaires viennent ternir l’image du président : Woerth-Bettencourt, la nomination de son fils, Jean, à la tête de l’EPAD, les possibles alliances avec le colonel Kadhafi, etc…

 

Alors pourquoi cette diabolisation soudaine de la part des journalistes envers le président ? Le monde du journalisme se serait-il rendu compte que décrypter ses moindres faits et gestes n’était plus vendeur, que les citoyens avaient suffisamment été informer de sa vie privée, ou bien, Nicolas Sarkozy a t-il voulu se protéger et stopper cette ferveur qu’il avait créé autour de lui-même ? Une réponse positive peut surement être donnée aux deux questions. Celui qui est l’initiateur d’une certaine proximité avec les journalistes retourne sa veste. Et la presse le lui rend bien. Après avoir déclaré le 31 janvier lors de ses vœux à la presse « Je ne détecte dans notre couple aucun des stigmates annonciateurs d'un divorce (...) La lassitude ? Franchement, je ne détecte pas de lassitude. Votre exigence ? Je vous en remercie, avec moi vous n'en manquez pas », Nicolas Sarkozy ajoute aussi « c'est un signe de vitalité démocratique que la presse critique le pouvoir ».

 

Mais cette « vitalité démocratique » ne s’applique pas à l’Elysée. Le président choisit tout pour les interviews : lieu, durée, chaînes concernées, définition des thèmes, choix des journalistes qui ne se risquent pas à l’impertinence. Prudence toutefois. Laurence Ferrari, présentatrice de l’émission « Paroles de candidat » s’est risqué à ce jeu en demandant au chef de l’Etat s’il  était vrai que sa campagne présidentielle de 2007 avait été financée par le colonel  Kadhafi ? Nicolas Sarkozy n’a pas attendu pour la rabrouer sèchement. Qui s’y frotte, s’y pique.

 

Et puis la campagne est arrivée et le président est devenu un candidat comme tous les autres, soumis aux mêmes règles démocratiques. Confronté à des journalistes habitués à pratiquer quotidiennement le questionnement, le président-candidat subit désormais sur la défensive les interviews. Deux exemples frappants et récents. Il y a un peu plus d'une semaine, sur le plateau de BFM TV,  la tension était à son comble. Interrogé sur le nombre de soldats français morts en Afghanistan par Jean-Jacques Bourdin, Nicolas Sarkozy a répondu « il doit y en avoir 70, 80 » avant que le présentateur  ne lui demande de préciser. « Je ne connais pas le nombre à l'unité près » lance le président. Cette agressivité envers les journalistes est également présente  au sein du parti majoritaire. Henri Guaino par exemple, conseiller spécial du président a déclaré mardi matin sur France Inter « Je viens sur une radio du service publique, je me suis déjà farcie Madame Clark ce matin avec son interview.  Oui, farcie car je l’ai écoutée, j’écoute France Inter tous les matins… La façon dont elle fait ses interviews (…) Elle n’est pas journaliste, elle est militante politique. Elle devrait s’inscrire à un parti et aller faire des meetings. Je le dis. C'est la façon dont elle fait ses interviews. Je ne vous parle pas de Madame Clark, elle n'est jamais là ». Et les exemples de la sorte se multiplient à l'approche du scrutin du second tour.

 

Cette aversion envers les journalistes n’est pas nouvelle. Georges Marchait avait déjà de son temps été irrité par Jean-Pierre Elkabbach avant de lui adresser un cinglant « Taisez-vous Elkabbach ». Mais s’en prendre aux journalistes ne fait que détourner l’attention et les questions qui fâchent.

 

 

Cette aversion envers les journalistes n’est pas nouvelle. Georges Marchait avait déjà de son temps été irriter par Jean-Pierre Elkabbach avant de lui adresser un cinglant « Taisez-vous Elkabbach ». Mais s’en prendre aux journalistes ne fait que détourner l’attention et les questions qui fâchent.

 


Conférence de presse 2008: Nicolas Sarkozy contre Laurent Joffrin

 

 







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