Monde Economie

Les menaces sur l'Europe : euro fort et déflation latente

Publié le  Par Un Contributeur

image article

Arnaud Montebourg estime que l'euro fort annihile nos efforts de compétitivité, mais la première menace qui plane sur l'Europe n'est-elle pas celle de la déflation ? Par Antoine Laray

 
 
 
 
 
 
Faut-il piloter l’euro ? 
Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a réaffirmé, dans une interview publiée dimanche 9 février sur le site des «  Echos », sa volonté de « faire baisser l'euro », estimant qu’à son niveau actuel « la devise annihile les efforts de compétitivité » lancés en France. Entre 2012 et 2013, la devise européenne s'est appréciée de plus de 10 % face au dollar et de plus de 40 % face au yen. « Nous avons la zone la plus dépressive au monde et la monnaie qui s'apprécie le plus au monde. Cette situation est ubuesque. Nous devons ouvrir une bataille politique pour faire baisser l'euro », a-t-il déclaré.
 
Ca veut dire quoi l’euro fort ? 
Il faut savoir que depuis le début des années 70, les monnaies sont cotées non-stop sur un marché électronique, le Foreign Exchange. Ce marché est indispensable, il faut bien donner une valeur d’échange entre les différentes monnaies si l’on veut librement commercer dans le monde. Des investisseurs du monde entier (compagnies d'assurances, banques, fonds d'investissements, Etats, banques centrales...) achètent et vendent en permanence des monnaies. Un marché qui fait feu de tout bois, que ce soit l’actualité …  ou la rumeur. Ainsi on attendait mardi, le premier discours de politique monétaire de la nouvelle présidente de la Fed, Janet Yellen, qui est restée dans les cordes de son prédécesseur. Elle a toutefois annoncé réduire ses injections massives de liquidités dans le système financier, de 85 milliards en décembre à 65 milliards de dollars actuellement.  Cette annonce stimule l'activité économique, car elle donne aux banques les moyens de prêter. Mais elle  a également pour effet annexe de diluer la valeur du dollar.
 
En Europe,  on attend les statistiques sur le chômage vendredi qui témoigneront ou non du dynamisme économique de la zone.  Mais ce marché a ses parts d’ombre. Qui dit marché dit aussi spéculation. En 1997, les attaques spéculatives contre la Thaïlande avaient déclenché une crise monétaire appelée « crise asiatique ». D'autres crises ont eu lieu depuis (crise du rouble, crise du peso mexicain, crise de l'euro en 2010)...
 

La France paye la facture

 
Un euro fort est-il dangereux ? 
À l’évidence, il est intéressant  d’acheter des matières premières comme le pétrole avec un euro fort face au dollar. Une monnaie forte plaît également aux investisseurs qui veulent préserver leur capital dans le temps. Une devise forte offre aussi l'avantage de pouvoir acheter, importer, des produits facturés en dollars, pour un prix plus intéressant. Plus l'euro monte, plus les biens et services libellés en dollars deviennent bon marché !  En revanche, les produits européens vendus en dehors de la zone euro deviennent mécaniquement plus chers que les mêmes produits libellés en dollars
 
L’euro fort amplifie-t-il la crise ?
Oui…mais non, l’Allemagne en ce moment connaît un redémarrage de son activité et s’accommode fort bien d’une monnaie forte. En revanche, la France en paye la facture. Mais pour expliquer ceci, on ne peut pas faire l’impasse sur la modernisation de nos parcs industriels respectifs.
 
La déflation n’est-elle pas le vrai danger ? 
En réalité, la menace qui plane est celle la déflation. Pourquoi doit-on s’inquiéter de ce qui est une baisse généralisée des prix à la consommation. N’est-ce pas une bonne nouvelle pour le consommateur ? En réalité, au-delà d’un certain point de rupture, la croissance est en panne. Sans doute est-ce un paradoxe, mais le consommateur qui n’est plus stimulé se met en position attentiste. Les prix baissent mais le consommateur se met à différer ses achats dans l'espoir de payer encore moins cher demain. Malins les consommateurs à la retraite, les ménagères de moins de cinquante ans ou les jeunes couples bobo, ils ont tout gagné. Au bout de la chaîne, les commandes aux entreprises s'effondrent, elles réduisent donc leur production, licencient, baissent les salaires... pendant ce temps, à l’autre bout, le poids de la dette pour les ménages, les entreprises et les Etats s’accroît. La valeur nominale de la dette ne baisse en effet pas, alors que les taux d'intérêts réels payés augmentent. La déflation est longue à s'installer mais il est très difficile d'en sortir.
 
Justement, on note en Europe un ralentissement très net de l'inflation et une faiblesse prolongée de l'évolution des prix. La hausse des prix en zone euro a été de 0,9% en octobre sur un an, après seulement +0,7% en septembre, le niveau le plus bas en près de quatre ans. Il y a un an, en novembre 2012, le taux d'inflation était de 2,2%.
 
L'inflation est égale à zéro voire négative dans les pays périphériques qui ont procédé à d'importants ajustements budgétaires ( 0% en Espagne et en Irlande, -0,2% au Portugal et -1,4% en Grèce). En France, la hausse des prix en glissement annuel a été de 0,7% en novembre, après 0,6% en octobre , ce qui était le niveau le plus bas depuis novembre 2009. D'octobre à novembre, les prix n'ont pas du tout varié, alors qu'ils s'étaient repliés de 0,1% entre septembre et octobre. En Allemagne, l'inflation n'est « que » de 1,3% en octobre, alors que le faible taux de chômage devrait exercer une pression plus forte. La spirale déflationniste est-elle enclenchée ? Non, mais elle menace. Ainsi, en France, notons que la diminution des prix à la consommation observée en octobre est due pour l'essentiel au repli des prix de l'énergie, en particulier des produits pétroliers (-2,9% sur un mois, -4,1% sur un an). Il faut aussi noter l'évolution favorable du taux de change. Depuis le 1er janvier, l'euro a gagné 4,17% par rapport au dollar, +6,23% sur un an. Un renchérissement qui fait baisser le prix des produits manufacturés importés en Europe.
 

Freins allemands

 
Enfin, et surtout, cette désinflation est due à la baisse des coûts salariaux dans les pays du sud de l'Europe (Espagne, Grèce, Portugal) depuis deux ans. C'est particulièrement flagrant en Espagne : sous l'effet d'un chômage massivement élevé (25% de la population active), d'une flexibilisation du marché du travail et d'une baisse du salaire des fonctionnaires, les salaires ont baissé de 7% à 12% entre 2010 et 2012, selon les estimations.
 
Il faut faire baisser le chômage et reporter les politiques d'austérité en relançant l'investissement public, expliquent certains économistes et donc instaurer une norme européenne de salaire minimum afin d'harmoniser les coûts salariaux. On peut lire ainsi la décision allemande  visant à introduire un salaire minimum légal, universel et obligatoire de 8,50 euros brut par heure à partir du 1er janvier 2015.
 
Où  l’on reparle de l’euro fort !
Il reviendrait peut-être à la Banque centrale européenne d’agir. Elle pourrait, par exemple, déprécier fortement le taux de change de l'euro pour soutenir la demande et faire remonter l'inflation. Mais l'Allemagne est très attachée à un euro fort. Elle pourrait créer de la monnaie pour acheter de la dette publique des Etats, comme le fait le Banque centrale du Japon depuis six mois. Mais, là encore, l’Allemagne s’y oppose.
 
Reste l'arme du taux directeur : en le baissant en octobre de 0,5% à 0,25%, la BCE espère relancer le crédit et l'investissement en zone euro, donc la reprise. Mais la demande, notamment celle adressée par les entreprises, reste faible. La politique de taux bas de la BCE a, en effet, ses limites : les taux ne peuvent passer en territoire négatif. Si la déflation s'installe en zone euro, l'institution monétaire centrale sera désarmée.
 
Antoine Laray est journaliste économique et financier
 






Réagir

Si vous souhaitez voir votre commentaire apparaître directement sur le site sans attendre la validation du modérateur, veuillez vous identifier ou créer un compte sur le site Paris Dépêches.


Publier le commentaire

Me prevenir des réponses




Commande de vin

Vêtements bio

retour menuRetour au menu

© 2013 AMLCF - Réalisation : NokéWeb