France Sport

La course contre-la-montre du Tour de France

Publié le  Par Jacques-Henri Digeon

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ASO

Le Tour de France aura-t-il lieu ? Il reste trois mois avant le départ à Nice et les organisateurs attendent encore l’évolution de la situation avant de prendre une décision.

Report impossible ? Prévu du 27 juin au 19 juillet, on voit mal comment le Tour pourrait être déplacé à une autre date cette année. Pour des raisons de calendrier d’abord. Car si l’activité reprenait au mois d’août, il se trouverait en ‘’concurrence’’ avec la Vuelta dont le départ est fixé… au Pays-Bas au 15 août d’autant que l’organisateur fait comme si de rien n’était en affichant son optimisme. Cela dit, vu l’ampleur de l’épidémie sur la péninsule ibérique, on peut peut-être aujourd’hui douter du maintien du Tour d’Espagne.

Dans ce cas, le Tour pourrait prendre sa place. Mais comment tout réorganiser structurellement parlant avec notamment la question de l’hébergement des équipes, commissaires, membres de l’organisation et prestataires de services. Il faut en effet savoir qu’ASO (Amaury Sport Organisation) retient les hôtels un an avant et on n’imagine pas ces établissements touristiques modifier leurs réservations estivales. Si tant est qu’il y en ait, cependant.
Pour ces raisons, ASO s’accroche à sa date et ne veut pas prendre de décision qu’il pourrait juger trop hâtive quant à un éventuel renoncement.

‘’Cata’’ financière. Car il y a d’autres éléments qui font que la société organisatrice s’accroche à son Tour aux dates prévues. D’abord parce que c’est, depuis que le sport cycliste existe, la plus grande course du monde et l’un des trois événements majeurs de l’actualité sportive mondiale avec les Jeux olympiques et le Mondial de foot. Et de fait, le Tour de France est une énorme machine financière. C’est d’ailleurs dire sa puissance quand on disait il y a quelques années qu’il était la ‘’banque’’ du groupe Amaury avant que celui-ci ne cède le quotidien Le Parisien/Aujourd’hui en France au LVMH de Bernard Arnaud en 2015.
Depuis, le groupe Amaury s’est recentré sur le ‘’sportif’’ avec son fleuron, L’Equipe, quotidien référence mondiale de la presse sportive et ses dérivés, France Football, Vélo Magazine et l’organisation du Dakar, du Marathon de Paris et, bien sûr du Tour, de Paris-Nice, Paris-Roubaix et du Critérium du Dauphiné.

Ainsi ASO génère un chiffre d’affaires de quelques 230 millions d’euros, le Tour représentant à lui seul 15O millions, soit plus de la moitié.  On imagine alors la "cata" qu’une annulation de la Grande Boucle provoquerait d’autant plus que L’Equipe, privé depuis le début de la crise sanitaire en France de compétitions sportives et ayant pour des raisons de coûts, baisser son prix de vente quotidien de 1,60 € à 1 euro !

Huis clos mais comment ? Comme il a été expliqué la semaine dernière dans un article du Parisien, ASO ne veut ni modifier ses dates, ni son tracé. Les dates, on a vu pourquoi. Pour le tracé, on comprendra qu’un changement de "braquet" (moins d’étapes, étapes raccourcies) réduirait considérablement le piquant de l’épreuve minutieusement concoctée depuis plus d’un an par Christian Prudhomme et son équipe.  La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a évoqué la semaine dernière la possibilité d’un Tour à huis-clos, sans spectateurs, argumentant que « privilégier le spectacle télévisé plutôt que le spectacle "live" (…) ne serait pas si pénalisant. » C’est une éventualité à laquelle ASO doit réfléchir car financièrement parlant, il faut savoir que les droits télé s’élève à 90 millions d’euros.

Se priver de spectateurs aux départs et arrivées, cela semble tout à fait possible ; le récent Paris-Nice a d’ailleurs expérimenté le dispositif. Mais comment empêcher les spectateurs de se presser sur le parcours. Dans les villes et villages traversés déjà, on ne voit pas ce qui pourrait empêcher les habitants de sortir sur leur pas de porte ou au pied de leur immeuble à moins de mettre des policiers tous les 100 mètres. Quant aux routes empruntées, on a du mal à imaginer la mise en place d’une surveillance et comment empêcher les camping-caristes et autres fans de se rendre sur le bord de la route et des 3400 kilomètres de l’épreuve. Peut-être cela serait-ce possible dans les grands cols et les ascensions d’arrivée au sommet. Encore faudrait-il que les forces de sécurité (Garde Républicaine, Gendarmerie, police, pompiers…) soient disponibles après les opérations de contrôles de confinement. 29.000 unités avaient été mobilisées en 2019, précise Le Parisien. « Si les gens veulent prendre leur camping-car et se placer dans les cols trois jours avant (…) ils le feront. Mettre des gendarmes tous les 200 mètres pour dire ‘’Circulez il n’y a rien à voir’’, ça ne changera rien », imagine Jean-Yves Lanoë, le responsable des supporteurs de Groupama-FDJ.
Si cette solution de huis-clos était retenue, on se doute que le Tour se priverait en outre d’une caravane publicitaire, ingrédient indispensable de l’épreuve, avec là encore un important manque à gagner.

Quelle course ? Reste l’aspect sportif. « Que le Tour aille 5 km/h moins vite, je m’en fous ! », s’exclame Marc Madiot. Le directeur sportif de l’équipe Groupama-FDJ traduit là les effets du confinement sur la performance des coureurs. En admettant que la crise sanitaire s’achève au mieux fin avril-début mai, les coursiers, privés d’entraînement, n’auraient que deux petits mois pour engranger des kilomètres et retrouver leur coup de pédale optimal nécessaire à la participation d’une course de trois semaines. Juste, trop juste. Sans compter du manque de repères de beaucoup d’entre eux qui n’auront pas pu aller reconnaître les étapes et auront été contraints de zapper les stages de préparation…. « Il faut savoir vite si le Tour aura lieu. Idéalement, ce serait bien de la savoir d’ici deux semaines », avait d’ailleurs précisé Marc Madiot au Parisien, le ‘’patron’’ de Thibault Pinot ayant également émis des doutes sur l’égalité des chances en évoquant les pays n’ayant pas interdit la pratique du cyclisme. Il faisait sans doute allusion aux coureurs italiens autorisés à aller rouler ; à l’image de la nageuse Federica Pellegrini qui se serait vue délivrer une autorisation spéciale des autorités transalpines d’aller nager malgré le confinement…

Bon pour le moral. Il est probable que Christian Prudhomme, grand patron du Tour, son staff, celui du groupe Amaury en relation avec le ministère des Sports et toutes les parties concernées, vont attendre encore quelques temps et prendront leur décision selon l’évolution de la situation pandémique. Pour eux comme pour tous les acteurs du Tour, c’est un peu une course contre-la-montre. Aujourd’hui, l’espoir demeure de voir le peloton s’élancer de Nice le 27 juin. Mais même s’il s’amenuise de jour en jour, il n’en reste pas moins que le Tour n’est pas seulement un événement sportif, c’est aussi  «une liesse, une frénésie, une magie », a dit Noël Lacaze, le maire pyrénéen de  Loudevielle. Et s’il avait finalement lieu, « Ce serait un vecteur idéal pour redonner le moral à la France et il pourrait redonner le sourire et la joie de vivre à tout le monde », conclura le manager de l’équipe Total-Direct Energie, Jean-René Bernaudeau par ailleurs opposé à un Tour à huis-clos. « Le Tour à tout prix, je n’en veux pas », s’exclame t-il. Et peut-être n’est-il pas le seul…
Alors ? Wait and see, comme disent nos amis britanniques.



 







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